Cour de cassation

Arrêt du 11 septembre 2024 n° 24-40.015

11/09/2024

Non renvoi

CIV. 1

 

COUR DE CASSATION

 

CF

 

______________________

 

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

 

Audience publique du 11 septembre 2024

 

NON-LIEU A RENVOI

 

Mme CHAMPALAUNE, président

 

Arrêt n° 557 FS-D

 

Affaire n° R 24-40.015

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

 

_________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2024

 

Le premier président de la cour d'appel de Rennes a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 4 juin 2024, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 17 juin 2024, dans l'instance mettant en cause :

 

D'une part,

 

Mme [O] [D], domiciliée [Adresse 2],

 

D'autre part,

 

le préfet d'Ille-et-Vilaine, domicilié [Adresse 1],

 

Le dossier a été communiqué au procureur général.

 

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [D], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes de Cabarrus, Dumas, Feydeau-Thieffry, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

 

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Faits et procédure

 

1. Le 2 mars 2016, Mme [D] a été admise par décision du maire de [Localité 3] en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, confirmée par décision du préfet d'Ile-et-Vilaine du 4 mars 2016 sur le fondement de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique. A partir de janvier 2019, cette mesure s'est poursuivie en alternance sous la forme de programmes de soins et d'hospitalisation complète. Par arrêté du 17 avril 2024, une hospitalisation complète a été de nouveau ordonnée. Par ordonnance du 26 avril 2024, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure.

 

2. Le 13 mai 2024, Mme [D] a demandé au juge des libertés et de la détention d'en ordonner la mainlevée. Son curateur est intervenu à l'instance. Par ordonnance du 24 mai 2024, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande.

 

3. Mme [D] a relevé appel et, par mémoire distinct et motivé, elle a posé une question prioritaire de constitutionnalité.

 

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

 

4. Par ordonnance du 4 juin 2024, le premier président de la cour d'appel de Rennes a transmis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

 

« Les articles L. 3213-3 et L. 3213-4 du code de la santé publique, relatifs au maintien des soins sans consentement sur décision du représentant de l'État et aux modalités de réexamen médical périodique de la personne, en ce qu'ils ne prévoient pas que le maintien des soins soit subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9 lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins et le renouvellement de cette évaluation tous les ans, sont-ils conformes à la Constitution, en ses articles préliminaires, 34 et 66, et notamment au principe constitutionnel d'égalité devant la loi et au respect de la liberté fondamentale d'aller et venir résultant des articles 2, 4, 6, 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

 

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

 

5. Les dispositions, qui sont contestées en ce qu'elles ne subordonnent pas le maintien des soins sans consentement sur décision du représentant de l'État au-delà d'un an à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique, sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

 

6. Si l'article L. 3213-3 du même code a été déclaré conforme à la Constitution (Cons. Const., 6 octobre 2011, décision n° 2011- 174 QPC), l'évaluation par un tel collège a été instaurée par la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, à l'article L. 3212-7 du même code, pour les mesures de soins sans consentement prises par le directeur d'établissement au-delà d'un an, ce qui caractérise un changement de circonstances de droit justifiant son réexamen.

 

7. L'article L. 3213-4 du même code, modifié par la loi du 5 juillet 2011 précitée et la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013, n'a pas été déjà déclaré conforme à la Constitution.

 

8. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

9. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

 

10. En effet, en premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

 

11. Tout d'abord, la différence de traitement qui découle des conditions d'intervention du collège d'experts prévu à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique repose sur une différence de situation entre les personnes dont l'hospitalisation complète résulte d'une décision du directeur d'établisement et celles dont l'hospitalisation repose sur une décision du préfet.

 

12. Ensuite, cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi qui consiste à concilier la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux, la prévention des atteintes à l'ordre public et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties.

 

13. En second lieu, la décision du préfet est prise à la lumière de certificats médicaux mensuels et reste soumise au contrôle obligatoire et périodique du juge, ainsi qu'à tout moment, au contrôle facultatif de celui-ci, à la demande notamment de la personne hospitalisée.

 

14. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.

Code publication

n