Cour de cassation

Arrêt du 11 septembre 2024 n° 24-12.371

11/09/2024

Non renvoi

COMM.

 

COUR DE CASSATION

 

SH

 

______________________

 

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

 

Audience publique du 11 septembre 2024

 

NON-LIEU A RENVOI

 

M. VIGNEAU, président

 

Arrêt n° 583 F-D

 

Pourvoi n° T 24-12.371

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

 

_________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 SEPTEMBRE 2024

 

Par mémoires spéciaux présentés le 28 juin 2024, la société Selima, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formulé trois questions prioritaires de constitutionnalité (n° 1188, n° 1189 et n° 1190) à l'occasion du pourvoi n° T 24-12.371 formé contre l'arrêt rendu le 8 février 2024 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans une instance l'opposant :

 

1°/ à la société Sovalvip, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

 

2°/ à la société Trajectoire, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de Mme [C] [P], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Sovalvip,

 

3°/ à M. [W] [Y], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Sovalvip,

 

Le dossier a été communiqué au procureur général.

 

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Selima, de Me Soltner, avocat des sociétés Sovalvip et Trajectoire, ès qualités, et de M. [Y], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents, M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

 

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Faits et procédure

 

1. La société Sovalvip, détenue majoritairement par M. et Mme [E], et à hauteur de 26 % par la société Selima, filiale du groupe Carrefour, exploitait en franchise depuis 2014 un fonds de commerce sous l'enseigne Carrefour City.

 

2. Ses statuts définissaient son objet comme l'exploitation du fonds de commerce précité ou d'autre fonds de type supermaché "sous toute autre enseigne appartenant au Groupe Carrefour, à l'exclusion de toute autre". Ils prévoyaient l'accord préalable des associés représentant plus des 3/4 des parts sociales pour toute décision visant à modifier l'enseigne du fonds de commerce.

 

3. Le 17 juin 2020, la société Sovalvip a dénoncé les contrats d'approvisionnement et de franchise qui la liaient aux sociétés Carrefour supermarchés France (CSF) et Carrefour proximité France (CPF) à effet au 25 juin 2021.

 

4. Le 30 septembre 2020, la société Sovalvip a été mise en sauvegarde.

 

5. Par un jugement du 16 juin 2021, sur requête de la société Sovalvip et de son administrateur judiciaire, le tribunal de la procédure collective a autorisé le gérant de la société Sovalvip à convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de modifier l'objet social de cette société à la majorité simple des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ayant droit de vote sur le fondement de l'article L. 626-3 du code de commerce.

 

6. La société Selima a formé une tierce opposition contre ce jugement.

 

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

 

7. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 8 février 2024 par la cour d'appel de Caen, la société Selima a, par trois mémoires distincts et motivés, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel trois questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

 

1°/ « L'article L. 626-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, porte-t-il une atteinte disproportionnée au droit de propriété des associés minoritaires, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en tant que dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, facultative et volontaire, il permet au juge, statuant sur requête et sans débat contradictoire préalable, d'autoriser l'assemblée générale des associés à adopter les modifications statutaires prévues dans le projet de plan à la majorité simple, neutralisant ainsi le droit de vote des associés minoritaires, sans prévoir de restriction quant à la nature et la gravité des modifications statutaires pouvant en être l'objet ni subordonner la mise en œuvre du dispositif à la nécessité de la poursuite de l'activité de l'entreprise et sans prévoir une faculté de sortie pour les associés refusant les modifications ainsi imposées ? »

 

2 °/ « L'article L. 626-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en tant que dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, facultative et volontaire, il permet au juge, statuant sur requête et sans débat contradictoire préalable, d'autoriser l'assemblée générale des associés à adopter les modifications statutaires prévues dans le projet de plan à la majorité simple, porte-t-il une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre des associés minoritaires en ce qu'il ne prévoit aucune limite quant à la nature et la gravité des modifications statutaires pouvant en être l'objet, de sorte que les associés minoritaires peuvent se voir imposer une modification des éléments essentiels du contrat de société, ni ne subordonne la mise en œuvre de ce dispositif à la nécessité de la poursuite de l'activité de l'entreprise et de sa sauvegarde ? »

 

3°/ « L'article L. 626-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en tant que dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, facultative et volontaire, il permet au juge d'autoriser l'assemblée générale des associés à adopter les modifications statutaires prévues dans le projet de plan à la majorité simple, porte-t-il une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors que les associés minoritaires, pourtant directement intéressés par la mesure susceptible de neutraliser leur droit de vote, ne bénéficient d'aucune garantie procédurale et n'ont pas la possibilité de faire valoir leurs observations avant que le juge ne statue sur la requête qui lui est présentée, et ne peuvent utilement former un recours en tierce-opposition contre sa décision dans le délai de dix jours qui leur est imparti en l'absence de tout mécanisme de notification ou de publication de sa décision et compte tenu de l'exécution provisoire attaché à ce jugement ? ».

 

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

 

8. La disposition contestée est applicable au litige.

 

9. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

10. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

 

11. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

 

12. En effet, en premier lieu, la disposition contestée n'est applicable qu'aux personnes morales faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et, dans la première hypothèse, n'est mise en oeuvre par le tribunal que dans la mesure de l'existence d'une minorité de blocage susceptible de s'opposer à des modifications statutaires nécessaires à la réalisation des objectifs d'intérêt général poursuivis par un plan de sauvegarde que sont la réorganisation de l'entreprise en vue de poursuivre l'activité, maintenir l'emploi et apurer le passif. Il en résulte que la disposition contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de propriété, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle au regard de l'objectif poursuivi.

 

13. En second lieu, la tierce opposition contre la décision arrêtant un plan de sauvegarde, ouverte à l'article L. 661-3 du code de commerce, permet de contester la décision préparatoire à ce plan prise en application de l'article L. 626-3 du même code, de sorte que cette disposition ne porte pas atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.

 

14. En conséquence, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.

Code publication

n