Non renvoi
CIV. 1
COUR DE CASSATION
CF
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 3 septembre 2024
NON-LIEU A RENVOI
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 553 F-B
Pourvoi n° S 24-11.220
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 SEPTEMBRE 2024
Par mémoire spécial présenté le 3 juin 2024, M. [X] [E], domicilié [Adresse 3], [Localité 2], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° S 24-11.220 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre de la famille), dans une instance l'opposant à Mme [I] [T], domiciliée [Adresse 4], [Localité 1].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [E], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique de ce jour où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Le 23 février 1972, Mme [T] a été inscrite à l'état civil comme étant née, le 22 février 1972, d'[G] [T] et de [L] [N], son épouse.
2. Le 22 juin 2018, un juge d'instance a délivré, à la demande de Mme [T], un acte de notoriété constatant la possession d'enfant de celle-ci à l'égard de [O] [E], décédé le 7 décembre 2017.
3. Le 4 octobre 2018, cet acte de notoriété et la filiation établie à l'égard de [O] [E] ont été mentionnés en marge de l'acte de naissance de Mme [T], sur instruction d'un procureur de la République.
4. Le 14 août 2019, M. [E], fils de [O] [E], a saisi un tribunal judiciaire aux fins d'annulation, subsidiairement d'inopposabilité, de l'acte de notoriété délivré le 22 juin 2018.
5. Un jugement du 6 juillet 2021 a rejeté ces demandes.
6. M. [E] a formé appel de cette décision. Après un premier arrêt du 8 février 2023 ordonnant la réouverture de débats, la cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 9 novembre 2023, a confirmé le jugement.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
7. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre les arrêts rendus les 8 juin et 9 novembre 2023 par la cour d'appel de Montpellier, M. [E] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions du dernier alinéa de l'article 317, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, sont-elles contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit au recours effectif et au principe d'égalité devant la loi prévus respectivement par les articles 16 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au droit de mener une vie familiale normale garanti par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, en ce qu'elles prévoient que l'acte de notoriété, qui établit la filiation par possession d'état, n'est susceptible d'aucun recours même dans l'hypothèse où il a été délivré par le juge en violation de la règle d'ordre public de l'article 320 du code civil selon laquelle la filiation légalement établie fait obstacle, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, à l'établissement d'une filiation qui la contredirait ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
8. Le mémoire déposé n'explicitant pas en quoi la disposition critiquée porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi, la question prioritaire de constitutionnalité est partiellement irrecevable.
9. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne la délivrance le 4 octobre 2018 par un juge d'instance d'un acte de notoriété constatant la possession d'état.
10. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
11. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
12. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
13. L'article 317 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, permet à chacun des parents ou à l'enfant de demander au juge d'instance que lui soit délivré un acte de notoriété qui fera foi de la possession d'état jusqu'à la preuve contraire.
14. Si, selon le dernier alinéa de ce texte, l'acte de notoriété n'est pas sujet à recours, l'article 335 du code civil prévoit cependant que la filiation établie par la possession d'état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l'acte.
15. En outre, aux termes de l'article 320 du code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait.
16. Ainsi, dans l'hypothèse visée par la question, où l'acte de notoriété constatant la possession d'état viendrait contredire une filiation déjà légalement établie, la possession d'état constatée dans l'acte de notoriété se trouverait privée d'effet tant que la première filiation n'a pas été anéantie.
17. Il s'ensuit que, même dans l'hypothèse visée par la question, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte substantielle au droit à un recours effectif ni à celui de mener une vie familiale normale.
18. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité en ce qu'elle invoque une atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
DIT N'Y AVOIR LIEU, POUR LE SURPLUS, DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois septembre deux mille vingt-quatre.
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