Renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande au juge des référés :
1°) d'annuler la délibération du 23 mars 2024 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque a fixé les taux des impositions directes locales pour l'exercice 2024, en tant qu'elle a fixé le taux de cotisation foncière des entreprises à 29,91 % ;
2°) de suspendre l'exécution de cette délibération.
Il soutient que :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête :
- il est recevable à demander la suspension et l'annulation de cette délibération en tant seulement qu'elle fixe le taux de cotisation foncière des entreprises, dès lors que ce dernier taux est indépendant des taux de taxes foncières et de taxe d'habitation mentionnés dans l'acte ;
En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la délibération contestée :
- la communauté d'agglomération du Pays Basque a appliqué une variation proportionnelle de +5% à l'ensemble des impositions directes locales ; or, la cotisation foncière des entreprises est exclue de la variation proportionnelle prévue au a du 1 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts, de sorte que la communauté d'agglomération ne pouvait appliquer une variation proportionnelle uniforme à l'ensemble de ses taux ;
- en application des dispositions combinées du b du 1 du I de l'article 1636 B sexies et du II de l'article 1636 B decies du code général des impôts, ainsi que de l'instruction référencée BOI-IF-COLOC-20-40-30 du 21 avril 2022, l'augmentation des taux de cotisation foncière des entreprises votés par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) est liée à celle du taux moyen pondéré de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou des taxes foncières sur le bâti et le non bâti des communes membres, majoré des produits de taxe foncière perçus au profit de l'EPCI ; ainsi, l'augmentation du taux de cotisation foncière des entreprises décidé par la communauté d'agglomération du Pays-Basque est limitée à l'augmentation du taux moyen pondéré des taxes foncières constatées sur son territoire l'année précédante celle au titre de laquelle il vote ce taux ;
- le taux maximum de cotisation foncière des entreprises que pouvait voter la communauté d'agglomération du Pays Basque au titre de l'année 2024 doit être égal au taux de cotisation foncière des entreprises voté pour l'année 2023, multiplié, soit par le taux moyen pondéré de taxe foncière sur les propriétés bâties constaté sur son territoire pour 2023, divisé par le taux moyen de taxe foncière sur les propriétés bâties constaté en 2022, soit par le taux moyen de taxes foncières constaté en 2023 divisé par le taux moyen pondéré des taxes foncières constatées sur son territoire en 2022 ; en application de ces principes, la communauté d'agglomération du Pays-Basque ne pouvait voter qu'un taux maximum de 28,78 %, majoré à 28,84% en raison d'une réserve de taux capitalisés par cet établissement public l'année précédente de 0,06%, ainsi qu'il lui a été communiqué par la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques dans l'encart n° 7 de l'état 1259 ligne a.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2024, la communauté d'agglomération du Pays-Basque, représentée par Me Logeais, conclut à titre principal au rejet de la requête pour irrecevabilité, à titre subsidiaire, à son rejet au fond, à titre encore subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer après avoir transmis la question prioritaire de constitutionnalité par ailleurs posée au Conseil d'Etat, et en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 61-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne des éléments de contexte :
- la délibération contestée a été votée dans un contexte de baisse des recettes de fonctionnement de la communauté d'agglomération ; afin de mettre en œuvre le programme pluriannuel d'investissement adopté en 2021, elle a dû se résoudre à une augmentation des impôts locaux afin de ne pas voir son taux de désendettement se dégrader ;
- une charte d'engagement, conclue entre l'Etat et la communauté d'agglomération pour la période 2023-2026 et signée le 16 juin 2023, prévoyait l'implantation de conseillers aux décideurs locaux sur le territoire de l'établissement, qui ont notamment pour fonction d'apporter un soutien méthodologique en matière de fiscalité directe locale en aidant à préparer les délibérations en ce qu'elles portent, notamment, sur le vote des taux des impositions locales et de jouer un rôle d'alerte ; or, cet engagement n'a pas été respecté dès lors que ces conseillers, sollicités dès le 9 janvier 2024 sur les marges de manœuvre dont bénéficiait la communauté d'agglomération s'agissant de l'année 2024, n'ont pas apporté de réponse ; le conseil communautaire s'est également réuni le 17 février 2024 afin de débattre des orientations budgétaires ; le procès-verbal de cette réunion a été transmis aux services de l'Etat le 22 février suivant, soit un mois avant l'adoption de la délibération litigeuse ; malgré l'accomplissement de ces diligences, les conseillers aux décideurs locaux n'ont jamais alerté la communauté d'agglomération sur les difficultés que pourraient poser les choix envisagés ;
En ce qui concerne la recevabilité de la requête :
- les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 23 mars 2024 sont irrecevables dès lors que le juge des référés ne peut qu'ordonner des mesures présentant un caractère provisoire ;
- le préfet ne justifie pas de son intérêt pour agir ;
* s'il dispose d'un droit constitutionnel à déférer les délibérations des collectivités locales et de leurs établissements publics, ce droit doit être mis en balance avec la liberté contractuelle de ces collectivités, laquelle constitue un outil de leur libre-administration ;
* en l'espèce, alors que l'Etat s'était engagé, par la signature d'une charte du 16 juin 2023, à assister la communauté d'agglomération du Pays Basque dans le vote des taux des impositions directes locales, aucune réponse n'a été apportée par les services de l'Etat aux sollicitations de cet établissement ; le préfet a ainsi méconnu son obligation contractuelle de conseil et d'alerte, en méconnaissance du principe de libre-administration des collectivités territoriales ;
* ainsi, et dès lors que le préfet a contribué, par son inaction, à la réalisation de la situation qu'il conteste, il ne saurait être regardé comme disposant d'un intérêt pour agir légitime ;
- la délibération contestée forme un ensemble indivisible, de sorte que les conclusions tendant à sa suspension en tant seulement qu'elle a fixé le taux de cotisation foncière des entreprises à 29,91 % sont irrecevables ;
En ce qui concerne l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'acte :
- elle pouvait, en application des dispositions combinées de l'article 1636 B sexies et du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts, en particulier du mécanisme de capitalisation des droits à augmentation que ces dispositions prévoient, augmenter le taux de cotisation foncière des entreprises applicable au titre de l'année 2024 jusqu'à 31,88 % ; elle pouvait donc légalement fixer un taux de 29,91% ;
- le préfet a considéré à tort que la réserve d'augmentation dont disposait la communauté d'agglomération du Pays Basque était limitée au taux d'augmentation constaté au titre de la seule année 2021, soit 0,06% alors qu'elle pouvait, conformément aux dispositions du IV de l'article 1636 B du code général des impôts, utiliser l'ensemble des droits capitalisés au titre des années 2021, 2022 et 2023.
Par un mémoire enregistré le 5 août 2024, la communauté d'agglomérations du Pays Basque demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et en défense de la requête du préfet des Pyrénées-Atlantiques, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des II et IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts.
Elle soutient que :
- ces dispositions sont applicables au litige ;
- elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;
- la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux dès lors que :
- ces dispositions méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi ;
- elles méconnaissent le principe d'égalité.
Vu :
- la requête enregistrée le 22 juillet 2024 sous le n° 2401874 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques défère devant le tribunal la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque du 23 mars 2024 en tant qu'elle fixe le taux de cotisation foncière des entreprises à 29,91 % pour l'année 2024 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue le 6 août 2024 à 10h30 en présence de Mme Caloone, greffière d'audience :
- le rapport de Mme C ;
- les observations de M. A et de M. B, représentant le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui soulèvent à l'audience un moyen nouveau tiré de ce que la communauté d'agglomération du Pays Basque ne pouvait augmenter le taux de cotisation foncière des entreprises en mobilisant le mécanisme de " réserves " prévu au IV l'article 1636 B decies du code général des impôts sans en informer préalablement les services fiscaux dans les conditions prévues à l'article 1656 A du même code ; que la mobilisation de ces droits n'a pas été soumise au vote des conseillers communautaires ni mentionnée dans la délibération contestée ; ils indiquent par ailleurs que le préfet dispose d'un intérêt pour agir dès lors qu'il est tenu de déférer au juge les actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics qu'il estime illégaux et que l'absence de suspension de cette délibération, suivie de son annulation sur le fond, conduirait l'Etat à devoir prononcer des dégrèvements à hauteur de plus de 45 millions d'euros ; que le taux de cotisation foncière des entreprises voté par la communauté d'agglomération du Pays Basque au titre de l'année 2024 aboutit à une surimposition d'environ 1,6 millions d'euros pour les entreprises du territoire basque ; que ce taux n'est pas conforme à la législation ; que la rédaction des articles 1636 B sexies et L. 1636 B decies du code général des impôts est claire ;
- et les observations de Me Logeais, représentant la communauté d'agglomération du Pays Basque, qui confirme ses écritures et fait valoir que la délibération en litige a été votée dans un contexte budgétaire particulier caractérisé par l'existence de difficultés, pour la communauté d'agglomération, à faire face à des dépenses de fonctionnement importantes alors que ses recettes diminuent ; qu'alors que la communauté d'agglomération du Pays Basque a sollicité l'assistance des services de l'Etat dès le 9 janvier 2024 s'agissant de la fixation des taux des impositions directes locales pour l'année 2024, la préfecture n'a signalé aucune difficulté avant l'adoption de la délibération contestée ; que la requête doit être rejetée comme irrecevable dès lors que le préfet ne justifie pas de son intérêt pour agir et que les conclusions de la requête tendent à la suspension partielle d'un acte indivisible ; que les dispositions du IV de l'article 1636 B decies permettent aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité professionnelle unique d'utiliser, au titre d'une année, les droits capitalisés au cours de l'une des trois années précédentes, et non les droits capitalisés au titre de la seule année précédant celle au cours de laquelle le taux de cotisation foncière des entreprises est fixé ; que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a ainsi fait une interprétation erronée des dispositions du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts en estimant qu'elle ne pouvait mobiliser que la réserve capitalisée au titre de l'année 2023 ; que par ailleurs, les dispositions de cet article méconnaissent tant l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi que le principe d'égalité ; que l'état fiscal 1259 n'a été envoyé que le 18 mars 2024 alors que la délibération en litige a été votée le 23 mars suivant et que les conseillers communautaires doivent être convoqués au moins cinq jours avant la tenue de la séance ; qu'aucune disposition législative n'impose que la délibération en litige mentionne les droits à augmentation capitalisés, ni que les conseillers communautaires soient informés.
Par un mémoire enregistré le 6 août 2024, la communauté d'agglomération du Pays Basque, fait en outre valoir qu'à supposer que la décision à intervenir rejette les conclusions aux fins de suspension introduites par le préfet et que la délibération contestée soit ultérieurement annulée, une telle circonstance ne saurait être regardée comme engendrant un risque financier important pour l'Etat ; que la seule transmission de l'état fiscal 1259 par les services de la direction générale des finances publiques ne saurait suffire à considérer que l'Etat a respecté ses engagements en matière d'accompagnement des décideurs locaux ; que cet état n'ayant été adressé à la communauté d'agglomération que le 18 mars 2024, il est intervenu trop tardivement au regard des délais de convocation des conseillers communautaires pour considérer que ceux-ci ont été informés à temps ; que le débat sur les orientations budgétaires, où sont fixés les taux votés, avait par ailleurs eu lieu le 24 février 2024 ; que la seule lecture de cet état ne permet pas au conseil communautaire de comprendre que le taux qu'il s'apprête à voter est trop élevé ; que le 3ème alinéa du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts ne saurait être regardé comme instituant une obligation procédurale à laquelle la possibilité, pour la communauté d'agglomération, de mobiliser le mécanisme de capitalisation des droits à augmentation, serait subordonnée.
Par un mémoire enregistré le 6 août 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques fait en outre valoir que la suspension de la délibération contestée n'emporterait pas de conséquences défavorables pour la communauté d'agglomération du Pays Basque et que les services de l'Etat ont informé celle-ci le 3 mai 2023 de ce que la délibération par laquelle elle a voté les taux des impositions directes locales au titre de l'année 2023 ne mentionnait pas sa volonté de reporter la réserve capitalisée depuis 2021.
Par une ordonnance du 7 août 2024, la clôture de l'instruction a été reportée au 8 août 2024 à 10h00.
Une note en délibéré, présentée pour la communauté d'agglomération du Pays Basque, a été enregistrée le 8 août 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération votée le 23 mars 2024, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays-Basque a fixé les taux des impositions directes locales au titre de l'année 2024, à hauteur de 29,91 % pour la cotisation foncière des entreprises, de 9,39 % pour la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, de 2,93 % pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, et de 4,06 % pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a, par un courrier du 4 avril 2024, indiqué à la communauté d'agglomération du Pays-Basque qu'il estime cette délibération pour partie illégale en tant que le taux de cotisation foncière des entreprises ne pouvait excéder 28,84 %. En l'absence de réponse de la part de l'établissement public, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande au tribunal, en application de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, l'annulation et la suspension de la délibération du 23 mars 2024 en tant qu'elle a fixé le taux de cotisation foncière des entreprises à 29,91%.
Sur les fins de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'État dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3ème alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales []. ". Cet alinéa dispose que : " Le représentant de l'État peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. ". Les dispositions précitées ont été rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales.
3. En premier lieu, il ne relève pas de l'office du juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions énoncées au point précédent, de prononcer l'annulation de l'acte dont il est saisi. Par suite, les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Atlantiques et tendant à l'annulation de la délibération du 23 mars 2024 doivent être rejetées comme irrecevables.
4. En deuxième lieu, lorsque le préfet défère au juge administratif un acte d'une autorité soumise au contrôle de légalité, il n'est pas tenu à l'obligation de justifier d'un intérêt pour agir.
5. En troisième lieu, la légalité de la fixation du taux de cotisation foncière des entreprises peut être examinée indépendamment de celle des taux de taxes foncières et de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Il s'ensuit que la délibération du 23 mars 2024 qui fixe ces taux ne saurait être regardée comme une décision indivisible. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques est dès lors recevable à diriger ses conclusions aux fins de suspension contre la délibération du 23 mars 2024 en tant qu'elle a fixé le taux de cotisation foncière des entreprises à 29,91% au titre de l'année 2024.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
6. Par un mémoire distinct enregistré le 5 août 2024, la communauté d'agglomération du Pays Basque demande au tribunal que soit transmise au Conseil d'Etat, aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des II et IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts.
7. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".
8. Les dispositions de l'article 1636 B decies du code général des impôts sont applicables au présent litige et n'ont pas déjà été déclarées conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel.
9. En premier lieu, la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.
10. En deuxième lieu, la communauté d'agglomération du Pays Basque soutient que les dispositions du II et du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts méconnaissent le principe d'égalité dès lors que les établissements publics de coopération intercommunale faisant application de l'article 1609 nonies C ou du 1 ou du II de l'article 1609 quinquies C du même code ne peuvent bénéficier, contrairement aux établissements publics de coopération intercommunale ne faisant pas application de ces derniers articles, de la liberté de choix offerte par l'article 1636 B sexies du code général des impôts pour fixer le taux de cotisation foncière des entreprises. Ce moyen pose une question qui n'est pas dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
11. Par dérogation aux dispositions du 1er alinéa de l'article 23-3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la juridiction peut, en application du 3ème alinéa du même article, statuer sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité " si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence ". En application de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, la juridiction doit statuer sur le litige dont elle est saisie dans un délai déterminé d'un mois. Il y a donc lieu de statuer sur les conclusions de la requête sans attendre qu'il soit statué sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en défense.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
12. Aux termes de l'article 1379-0 bis du code général des impôts : " I. - Perçoivent la cotisation foncière des entreprises () : 2° Les communautés d'agglomération ". Aux termes de l'article 1609 nonies du même code : " I. - Les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au I de l'article 1379-0 bis sont substitués aux communes membres pour l'application des dispositions relatives à la cotisation foncière des entreprises et pour la perception du produit de cette taxe (). " Aux termes 1636 B sexies du même code : " I. - 1. Sous réserve des dispositions des articles 1636 B septies et 1636 B decies les conseils municipaux et les instances délibérantes des organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre votent chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale et de la cotisation foncière des entreprises. Ils peuvent : / a) Soit faire varier dans une même proportion les taux des quatre taxes appliqués l'année précédente ; / b) Soit faire varier librement entre eux les taux des quatre taxes. Dans ce cas : / 1° Le taux de cotisation foncière des entreprises et le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale : / - ne peuvent, par rapport à l'année précédente, être augmentés dans une proportion supérieure à l'augmentation du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou, si elle est moins élevée, à celle du taux moyen des taxes foncières, pondéré par l'importance relative des bases de ces deux taxes pour l'année d'imposition ; / - ou doivent être diminués, par rapport à l'année précédente, dans une proportion au moins égale, soit à la diminution du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou à celle du taux moyen pondéré des taxes foncières, soit à la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux sont en baisse () ". Et aux termes de son article 1636 B decies : " () II. - Les établissements publics de coopération intercommunale faisant application de l'article 1609 nonies C ou du I ou du II de l'article 1609 quinquies C votent le taux de la cotisation foncière des entreprises dans les limites définies au b du 1, au 2, au 3 et au 5 du I de l'article 1636 B sexies et à l'article 1636 B septies (). IV. - Pour les établissements publics de coopération intercommunale visés au II, la différence constatée au titre d'une année entre le taux maximum de cotisation foncière des entreprises résultant des dispositions du deuxième alinéa du b du 1 du I de l'article 1636 B sexies et le taux de cotisation foncière des entreprises voté conformément à ces mêmes dispositions peut être, sous réserve des dispositions de l'article 1636 B septies, ajoutée, partiellement ou totalement, au taux de cotisation foncière des entreprises voté par l'établissement public de coopération intercommunale au titre de l'une des trois années suivantes (). Les décisions relatives aux taux transmises aux services fiscaux dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A doivent indiquer le montant à reporter conformément au premier alinéa ainsi que les modalités selon lesquelles le taux de l'année est majoré dans les conditions prévues audit alinéa ".
13. En vertu des dispositions combinées du b) du 1 du I de l'article 1636 B sexies et du II de l'article 1636 B decies du code général des impôts, le taux de cotisation foncière des entreprises adopté chaque année par les organes délibérants des communautés d'agglomération à fiscalité professionnelle unique est lié aux taux moyens pondérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou des taxes foncières constatés l'année précédente sur le territoire de l'EPCI. Ces établissements ne sauraient, par suite, faire varier le taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, et de la cotisation foncière des entreprises, dans une même proportion.
14. Toutefois, par dérogation à la règle de lien entre les taux d'imposition ci-dessus énoncée et encadrant l'évolution du taux de cotisation foncière des entreprises, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité professionnelle unique peuvent augmenter leur taux de cotisation foncière des entreprises en utilisant le mécanisme de capitalisation des droits à augmentation, dit " mécanisme de réserve ", prévu par les dispositions du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts.
15. Par la délibération contestée, la communauté d'agglomération du Pays Basque a fixé le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties à 2,93%, le taux de taxe foncière sur les propriétés non bâties à 4,06%, le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires à 9,39%, et celui de cotisation foncière des entreprises à 29,91%. Si cette délibération n'explicite pas les modalités de calcul de ces taux, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport sur les orientations budgétaires de cet établissement public pour l'année 2024 communiqué aux conseillers communautaires dans le cadre de la séance du 17 février 2024, qu'une hausse proportionnelle de 5 % a été appliquée aux taux de ces quatre taxes, alors que la cotisation foncière des entreprises est, ainsi qu'il a été dit au point 13, exclue de la variation proportionnelle prévue au a) du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts. Si la communauté d'agglomération du Pays Basque fait valoir en défense qu'elle a entendu augmenter le taux de cotisation foncière des entreprises en mobilisant le mécanisme de capitalisation des droits à augmentation prévu au IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts en cumulant les taux d'augmentation non utilisés au titre des années 2021 et 2022, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, en avoir effectivement fait application, ni au demeurant, avoir informé, en application du I de l'article 1639 A du code général des impôts, les services fiscaux du montant de la majoration qu'elle entendait ainsi appliquer.
16. Dans ces conditions, le moyen invoqué par le préfet des Pyrénées-Atlantiques tiré de ce que le taux de cotisation foncière des entreprises voté par la communauté d'agglomération du Pays-Basque au titre de l'année 2024 ne pouvait être augmenté proportionnellement est de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la délibération du 23 mars 2024.
17. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération du pays basque du 23 mars 2024 en tant qu'elle fixe le taux de cotisation foncière des entreprises à 29, 91 % pour l'année 2024.
Sur les frais liés au litige :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la communauté d'agglomération du Pays Basque la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du II et du IV de l'article 1636 B decies du code général des impôts est transmise au Conseil d'Etat.
Article 2 : L'exécution de la délibération du 23 mars 2024 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque est suspendue en tant qu'elle fixe le taux de cotisation foncière des entreprises à 29, 91 % pour l'année 2024 jusqu'à ce que le tribunal ait statué sur la requête au fond n° 2401874.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet des Pyrénées-Atlantiques et à la communauté d'agglomération du Pays-Basque.
Fait à Pau, le 22 août 2024.
Le juge des référés,
L. C
La greffière,
M. CALOONE La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,