Irrecevabilité
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021, M. C D demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2021 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime l'a suspendu de ses fonctions à compter du 20 septembre 2021 jusqu'à la production par l'intéressé d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
2°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime de procéder à sa réintégration dans ses fonctions avec toutes les conséquences de droit et de procéder au rappel de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension ;
3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- il présente le caractère d'une sanction disciplinaire prise sans qu'il n'ait pu bénéficier du maintien de son traitement prévu par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, ni de la procédure contradictoire en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des droits de la défense ;
- il constitue une mesure de police administrative disproportionnée ;
- il méconnaît les obligations de formalités prévues par l'article 1 de la loi du 5 août 2021 dès lors qu'il n'a pas été informé, n'a pas été mis dans la possibilité d'utiliser ses jours de congé et n'a pas été convoqué afin que soient examinés les moyens de régulariser sa situation ;
- la loi du 5 août 2021 est contraire à la Constitution ;
- il porte atteinte au principe de non-discrimination en raison de l'état de santé, garanti par le règlement européen n° 2021/953 du 14 juin 2021 et par les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît son droit au respect de sa vie privée, l'interdiction de traitements inhumains et dégradants, son droit à la vie et le principe de non-discrimination entre les personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas, en méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les vaccins visés par l'article 55-1 du décret du 16 octobre 2020 ne correspondent pas aux autorisations de mises sur le marché conditionnelles délivrées aux quatre spécialités administrées au cours de la crise sanitaire ;
- il porte atteinte à son consentement libre et éclairé, en méconnaissant l'article 5 de la convention de biomédecine, l'article 14 § 1 du protocole sur la recherche biomédicale, la directive 2004/23/CE, l'article 3.2 de la charte des droits fondamentaux 2012/C 326/02, l'article 8 alinéa 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 26 alinéa 1er de la convention d'Oviedo, les articles 5 et 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 septembre 1966, le règlement européen du 16 avril 2014 n° 536/2014 relatif aux essais cliniques ;
- il méconnaît l'interdiction de traitement inhumain et dégradant dès lors qu'il conditionne sa rémunération à la thérapie génique ;
- il porte atteinte au droit à la vie protégé par l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle n'est pas mise en mesure d'apprécier les risques pour sa santé et qu'aucun système de réparation particulier n'est mis en place pour le cas où elle serait confrontée aux effets indésirables de la thérapie imposée ;
- il est manifestement disproportionné et cause une rupture manifeste d'égalité dès lors que le risque de contamination n'est pas écarté par la vaccination compte tenu de l'efficacité relative du traitement retenu et que sont exclus de la vaccination certaines catégories de personnes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2024, le service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime, conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D n'est fondé.
Par un courrier du 11 juin 2024, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le tribunal est susceptible de relever d'office le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que la décision attaquée, qui est une décision individuelle défavorable, est rétroactive en ce qu'elle s'applique dès le 20 septembre 2021 et a été notifiée le 30 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;
-la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
-le règlement 2021/953 du 14 juin 2021 ;
-la directive 2004/23/CE du 31 mars 2004 ;
-le code de la santé publique ;
-loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
-la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
-la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duval-Tadeusz,
- et les conclusions de Mme Bréjeon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C D exerce la profession d'adjudant-chef des sapeurs-pompiers professionnels au centre d'incendie et de secours de Royan. Il a été suspendu de ses fonctions à compter du 20 septembre 2021, par une décision du 28 septembre 2021 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime, jusqu'à production des justificatifs de vaccination mentionnés à l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. M. D demande l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, modifié par l'article 1er de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, alors en vigueur : " C. / () / 2. Lorsqu'un agent public soumis à l'obligation prévue aux 1° et 2° du A du présent II ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s'il ne choisit pas d'utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail. Cette suspension, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent produit les justificatifs requis. / Lorsque la situation mentionnée au premier alinéa du présent 2 se prolonge au-delà d'une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur convoque l'agent à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation ". Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la Covid-19 : () 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ; 3° Les personnes, lorsqu'elles ne relèvent pas des 1° ou 2° du présent I, faisant usage : a) Du titre de psychologue mentionné à l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social ; b) Du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur mentionné à l'article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; c) Du titre de psychothérapeute mentionné à l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ; 4° Les étudiants ou élèves des établissements préparant à l'exercice des professions mentionnées aux 2° et 3° du présent I ainsi que les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels mentionnés au 2° ou que les personnes mentionnées au 3° ; () 6° Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d'incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, () / II. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d'entre eux, le nombre de doses requises. Ce décret fixe les éléments permettant d'établir un certificat de statut vaccinal pour les personnes mentionnées au même I et les modalités de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d'identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis. Il détermine également les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 et le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. () ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. () / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics. () ". Et aux termes de l'article 14 de la même loi : " () / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 prévu par le même décret. () / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public ". Enfin, aux termes de l'article 2-2 2° du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 : " Pour l'application du présent décret :1° Sont de nature à justifier de l'absence de contamination par la covid-19 un examen de dépistage RT-PCR, un test antigénique ou un autotest réalisé sous la supervision d'un des professionnels de santé,() 2° Un justificatif du statut vaccinal est considéré comme attestant d'un schéma vaccinal complet de l'un des vaccins contre la covid-19 ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne après évaluation de l'agence européenne du médicament ou dont la composition et le procédé de fabrication sont reconnus comme similaires à l'un de ces vaccins par l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé () ".
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. A B, directeur départemental par intérim du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime. Par un arrêté du 22 juin 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime, et disponible sur son site internet le président du conseil départemental d'incendie et de secours a donné délégation à M. A B pour signer tous les documents relevant de la gestion administrative et financière du service départemental d'incendie et de secours. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 citées au point 2, que le législateur a entendu créer un motif spécifique de suspension des fonctions. Cette modalité de suspension, justifiée par un objectif de santé publique, est assortie de garanties pour l'agent concerné, qui passe par l'information sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi, ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Cette information, qui doit intervenir à compter du constat d'impossibilité d'exercer de l'agent, est nécessairement personnelle et préalable à l'édiction de la mesure de suspension, et peut notamment passer par la convocation à un entretien.
5. D'une part, M. D ne peut utilement se prévaloir, pour contester l'arrêté de suspension, de ce que cette décision revêt le caractère d'une sanction et que les garanties de la procédure disciplinaire n'ont pas été respectées, dès lors que la décision de suspension attaquée n'a été prise que sur le fondement des dispositions prévues par le III de l'article 14 précité de la loi du 5 août 2021 et ne revêt donc pas un caractère disciplinaire. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par l'administration en ce qu'elle méconnaît l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. D a été reçu par son employeur le 20 septembre 2021, qu'à cette occasion il a été informé qu'il ne répondait pas aux exigences d'obligation vaccinale prévue par la loi précitée et il a attesté avoir été informé des conditions d'une suspension des fonctions ainsi que des modalités lui permettant de régulariser sa situation. Dès lors la garantie tenant à l'information sans délai de cette décision a été respectée. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par l'administration à raison de la méconnaissance des articles 1er et 14 de la loi du 5 août 2021 ne peut donc qu'être écarté.
7. En troisième lieu, les agents qui, comme l'intéressé, sont soumis à l'obligation de vaccination en raison de la nature de leurs fonctions et de l'établissement dans lequel ces fonctions sont exercées, relèvent des dispositions spéciales prévues au chapitre II de la loi du 5 août 2021 et en particulier de ses articles 12 à 14, cités au point 3, et non des dispositions générales prévues au chapitre Ier de cette même loi et notamment de son article 1er. Il s'ensuit que M. D ne peut utilement se prévaloir des dispositions générales de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 précitée.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 précitée : " L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail ". La faculté ainsi offerte à l'agent d'utiliser des jours de congés payés, sous réserve de l'accord de son employeur, ne constitue pas une modalité de régularisation de la situation de l'agent au regard de son obligation vaccinale. En outre, le requérant ne démontre pas qu'il aurait demandé à prendre des jours de congé. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le requérant n'a pas été en mesure d'utiliser ses jours de congés doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
9. En premier lieu, M. D est adjudant-chef des sapeurs-pompiers professionnels, profession visée par le 6° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021. Par suite, et quel que soit le lieu d'exercice de ses fonctions, M. D était soumis aux dispositions précitées de la loi du 5 août 2021. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée l'arrêté attaqué ne peut, par suite, qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, Mme D soutient que la décision contestée est une mesure de police injustifiée et disproportionnée. Toutefois, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors que la décision se borne à tirer les conséquences d'une condition posée par la loi à l'exercice de la profession de M. D.
11. En troisième lieu, M. D soutient que la loi du 5 août 2021 est contraire à la Constitution, dès lors qu'elle est attentatoire aux droits et libertés notamment l'exercice d'une profession ou le droit de percevoir un salaire. Il n'appartient pas au juge administratif, hors saisine par mémoire distinct d'une question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier la conformité des lois à la Constitution. Par suite, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi du 5 août 2021 ne peut qu'être écarté.
12. En quatrième lieu, si M. D se prévaut de ce que les vaccins mentionnés à l'article 55-1 du décret du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ne correspondraient pas aux spécialités ayant bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la mesure en litige qui n'est pas prise pour l'application de ce texte. S'agissant de la circonstance que ces spécialités pharmaceutiques ne seraient pas des vaccins, à supposer même qu'elle soit avérée, celle-ci n'apparaît pas davantage de nature à entacher d'illégalité la mesure en litige qui se fonde seulement sur les dispositions de la loi du 5 août 2021 citée au point 2 et de son décret d'application. Si les dispositions de l'article 2-2 du décret du 7 août 2021, auxquelles renvoient l'article 49-1, font état de vaccins ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par la Commission européenne, sans préciser le caractère conditionnel de ces autorisations de mise sur le marché, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'illégalité la mesure de suspension en litige. Enfin, il est constant que les vaccins contre la covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché de l'Agence européenne du médicament, qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce qui est soutenu, les vaccins ne sauraient dès lors être regardés comme des médicaments expérimentaux et leur administration comme des recherches interventionnelles au sens des articles L. 5121-1-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique.
13. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposées au point 12, sont par suite inopérants les moyens tirés de ce qu'en imposant une vaccination par des médicaments expérimentaux, la loi du 5 août 2021 porterait atteinte à son droit de donner son consentement libre et éclairé aux soins médicaux qui sont prodigués, garanti par l'article 5 de la convention biomédecine, l'article 14 § 1 du protocole sur la recherche biomédicale, la directive 2004/23/CE, l'article 3.2 de la charte des droits fondamentaux 2012/C 326/02, l'article 8 alinéa 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 26 alinéa 1er de la convention d'Oviedo, les articles 5 et 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 septembre 1966, et le règlement européen du 16 avril 2014 n° 536/2014 relatif aux essais cliniques.
14. En sixième lieu, le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.
15. L'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Il s'ensuit que, eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi et alors même qu'aucune dérogation personnelle à l'obligation de vaccination n'est prévue en dehors des cas de contre-indication, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne porte pas atteinte au droit à la vie et à l'intégrité physique garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'établit pas de discrimination entre les personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas, et ne méconnaît pas l'interdiction de traitements inhumains et dégradants. Pour ce motif, les dispositions contestées font peser sur les personnes exerçant une activité au sein d'établissements une obligation vaccinale qui n'est pas imposée à l'ensemble des agents de la fonction publique, et que cette différence de traitement ainsi instituée est en rapport avec une différence de situation. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doivent être écartés.
16. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté en date du 28 septembre 2021, notifié le 30 septembre 2021 prévoyait une entrée en vigueur le 20 septembre 2021. L'effet rétroactif conféré à cette décision n'était pas nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent et ne constituait pas une mesure de régularisation de sa situation. Par suite, la décision contestée est entachée d'une rétroactivité illégale en tant qu'elle porte sur une période antérieure à sa date de notification.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2021 par lequel président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime, l'a suspendu de ses fonctions en tant qu'il prévoit une date d'entrée en vigueur antérieure au 30 septembre 2021.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
18. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
19. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent jugement, son exécution implique nécessairement que l'administration adopte une décision rétablissant M. D dans ses droits, y compris à rémunération, pour la période comprise entre les 20 et
30 septembre 2021 inclus dans le délai de trois mois suivant la notification du présent jugement.
Sur les frais liés au litige :
20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. D présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 28 septembre 2021 est annulé en tant qu'il prévoit de prendre effet avant le 30 septembre 2021.
Article 2 : Il est enjoint au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime de rétablir M. D dans ses droits, y compris à rémunération, durant la période comprise entre les 20 et 30 septembre 2021 inclus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C D et au service départemental d'incendie et de secours de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Cristille, président,
Mme Duval-Tadeusz, première conseillère,
Mme Gibson-Théry, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juillet 2024
La rapporteure,
Signé
J. DUVAL-TADEUSZ
Le président,
Signé
P. CRISTILLE
La greffière,
Signé
N. COLLET
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le greffier en chef,
La greffière,
N. COLLET