Non-lieu à statuer
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret du 28 mai 2024 prononçant à son encontre une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire pour une durée d'un an assortie d'un sursis de six mois ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il ne percevra aucune rémunération pendant six mois et que ses intérêts professionnels sont gravement affectés par sa mise à l'écart professionnelle ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- le décret attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas été à même de faire valoir son droit au silence ;
- il a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que l'ensemble des pièces du dossier de la procédure disciplinaire ne lui a pas été communiqué ;
- il a été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique qui sont contraires aux articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- il procède d'une erreur de qualification juridique et repose sur des faits matériellement inexacts ;
- la sanction prononcée est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 10 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, à ce que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 64-805 du 29 juillet 1964 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. M. B, préfet, a été sanctionné d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an assortie d'un sursis de six mois par un décret en date du 28 mai 2024. Il demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de ce décret.
4. Pour justifier de la condition d'urgence, M. B se prévaut des lourdes conséquences financières de la sanction litigieuse pour sa famille et pour lui, ainsi que de l'atteinte portée à ses intérêts professionnels. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas des éléments avancés qu'il ne serait pas en mesure de couvrir ses charges incompressibles durant la période d'exclusion. D'autre part, les atteintes alléguées à sa situation professionnelle sont déjà avérées et ne sont pas de nature, à elles seules, à caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation. Par ailleurs, eu égard à la nature des faits reprochés à l'intéressé, aux conditions dans lesquels ils sont intervenus et à la particulière exigence d'exemplarité qui s'imposait à lui, il apparaît qu'un intérêt public s'attache à l'exécution de la décision contestée. Par suite et alors que la 5ème chambre de la section du contentieux sera en mesure d'inscrire la requête au fond de M. B au rôle d'une formation de jugement de manière à ce qu'elle fasse l'objet d'une décision avant la fin du mois d'octobre 2024, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la transmission au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, la requête de M. B doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Code publication