Cour de cassation

Arrêt du 10 juillet 2024 n° 24-80.911

10/07/2024

Non renvoi

N° T 24-80.911 F-D

 

N° 01077

 

10 JUILLET 2024

 

GM

 

QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC

 

Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 10 JUILLET 2024

 

M. [J] [B] a présenté, par mémoire spécial reçu le 14 mai 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 31 octobre 2023, qui, pour escroquerie en récidive, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis probatoire, 15 000 euros d'amende, dix ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils.

 

Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [J] [B], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juillet 2024 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme Piazza, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

 

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

 

« Les dispositions de l'article 480-1 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées de manière constante par la Cour de cassation, dont il résulte que le receleur d'une partie du produit de l'infraction d'origine est condamné par le juge pénal à indemniser les victimes de cette infraction d'origine à hauteur de l'intégralité du préjudice causé par celle-ci :

- ne méconnaissent-elles pas l'exigence constitutionnelle, découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon laquelle tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, dès lors que la faute du receleur n'est pas causale du préjudice subi par les victimes de l'infraction d'origine ?

- ne portent-elles pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, dès lors que la condamnation solidaire du receleur n'est pas proportionnée au regard de l'objectif d'indemnisation des victimes d'infractions ?

- ne méconnaissent-elles pas le principe de légalité des délits, garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789, en ce que cette condamnation solidaire du receleur constitue une peine disproportionnée au regard de sa faute et qui n'est prévue par aucun texte ?

- ne méconnaissent-elles pas le principe de personnalité des peines, qui découle des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, dès lors que cette condamnation solidaire du receleur, qui présente un caractère punitif, est prononcée au titre de faits commis par l'auteur de l'infraction d'origine ? »

 

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.

 

5. Les dispositions légales critiquées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle les personnes condamnées pour des délits connexes sont tenues solidairement des dommages-intérêts ne méconnaissent ni le principe de légalité des délits et des peines ni celui de la personnalité des peines. En effet, la solidarité prévue à l'article 480-1 du code de procédure pénale constitue un mode d'exécution des réparations civiles ordonnées par la juridiction et non une peine.

 

6. Ces dispositions ne méconnaissent pas non plus l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors que la responsabilité civile solidaire instaurée entre l'auteur du délit connexe de recel et l'auteur du délit principal procède de la constatation d'une intention délictuelle unique pour ces deux infractions et ne déroge pas à l'obligation d'établir un lien direct de causalité entre les faits dommageables successifs et le préjudice qui en résulte.

 

7. Enfin, elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété au regard de l'objectif d‘indemnisation des victimes d'infractions, dès lors que le receleur, débiteur solidaire qui s'est acquitté du paiement des dommages-intérêts, dispose d'une action récursoire à l'encontre de son ou de ses codébiteurs solidaires.

 

8. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.

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n