Cour administrative d'appel de Paris

Arrêt du 5 juillet 2024 n° 23PA02723

05/07/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021.

Par un jugement n° 2106804 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, Mme A, représentée par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021 ;

3°) d'enjoindre à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France de la réintégrer avec effet rétroactif, de saisir la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et de prononcer sa mise à la retraite dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation et d'une dénaturation des pièces du dossier ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit ; d'une part, elle disposait d'un droit à pension en application des dispositions combinées des articles 19 et 26 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 et de l'article 7 du décret n° 2003-1306 du

26 décembre 2003 ; d'autre part et conformément aux dispositions du 4° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, elle justifie de quinze ans de service lui ouvrant droit à la liquidation immédiate de sa pension compte tenu des treize ans et huit mois de service accomplis auxquels doivent s'ajouter deux ans de bonification comme parent de deux enfants en application de l'article 11 du décret du 26 décembre 2003 ;

- la liquidation de la pension pouvait être immédiate, sauf à interpréter les dispositions en vigueur du code des pensions civiles et militaires de retraite comme contraires au principe d'égalité et à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instaurant une discrimination infondée entre agents placés dans une situation identique en fonction de la date de naissance de leurs enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, la région Ile-de-France, représentée, par Me Pichon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A, qui ne critiquent pas le jugement attaqué, ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 12 mars 2024, Mme A demande à la Cour, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 11 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003.

Elle soutient que :

- les critères de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionalité sont réunis ;

- ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité entre les agents placés dans une situation identique et méconnaissent l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instaurant une discrimination infondée en fonction de la date de naissance de leurs enfants.

Par un mémoire enregistré le 9 avril 2024, la région Ile-de-France soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier que si le Conseil Constitutionnel ne s'est pas déjà prononcé sur la constitutionnalité de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il a admis, par une décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, celle de l'article L. 12 de ce code dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites en renvoyant dans son analyse à l'article 44 de cette loi insérant à l'article L. 9 du même code les dispositions objets de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A. Les motifs et le dispositif de cette décision font échec à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la décision du Conseil Constitutionnel n° 2003-483 DC du 14 août 2003 ;

- le code de la fonction publique ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

- le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A, rédactrice territoriale au sein de la région Ile-de-France, a été placée successivement en congé parental à compter du 3 juillet 2001, puis en disponibilité pour élever un enfant à compter du 16 janvier 2004 et en disponibilité pour convenance personnelle à compter du 16 janvier 2009. Le 18 décembre 2015, dans le cadre d'un entretien professionnel organisé à la suite de sa demande de réintégration, elle a été victime d'une hémorragie cérébrale. Par un arrêté du 24 février 2016, elle a été maintenue à sa demande en disponibilité pour convenance personnelle à compter du 15 mars 2016. Après avoir sollicité le réexamen de sa situation administrative, Mme A a été convoquée à une expertise médicale réalisée le 22 février 2017. Aux termes de son rapport, l'expert a conclu à l'inaptitude de Mme A à ses fonctions et à toutes fonctions de façon totale et définitive et a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 35%. Par un courrier du 20 juin 2017, elle a sollicité sa mise à la retraire pour invalidité et a été placée, dans l'attente des séances du comité médical et de la commission de réforme, en disponibilité d'office pour raison de santé au cours de la période du 15 septembre 2017 au 14 juin 2018 par un arrêté du 21 septembre 2017, prolongée jusqu'au 31 juillet 2018 par arrêté du 27 juin 2018. Le comité médical s'est prononcé, le 17 octobre 2017, en faveur de l'inaptitude absolue et définitive à toutes fonctions de Mme A et à sa mise en disponibilité d'office jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité. La commission de réforme a émis, le 21 novembre 2017, un avis défavorable à sa mise à la retraite pour invalidité et à la liquidation immédiate de sa pension de retraite. Par un arrêté du 12 juillet 2018, la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a procédé au licenciement pour inaptitude physique de Mme A. Par un jugement du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision. Dans le cadre de l'exécution de ce jugement, Mme A a été réintégrée juridiquement dans les effectifs de la région Ile-de-France et maintenue en disponibilité d'office pour raison de santé par deux arrêtés du 3 septembre 2020. A la suite d'un entretien préalable qui s'est tenu le 5 octobre 2020, la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a procédé à son licenciement pour inaptitude physique par un arrêté du 27 janvier 2021. Par la présente requête, Mme A relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

3. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

4. Aux termes de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article L. 5 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf : / 1° Dans la limite de trois ans par enfant légitime, naturel ou adoptif, né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié : / a) D'un temps partiel de droit pour élever un enfant ; / b) D'un congé parental ; / c) D'un congé de présence parentale ; / d) Ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans () ". Aux termes de l'article 11 du décret du 26 décembre 2003 dans sa version applicable au litige : " Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article 8 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf dans les cas suivants : / 1° Dans la limite de trois ans par enfant légitime, naturel ou adoptif, né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié en application des dispositions des articles 60 bis, 75 et 75 bis de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, du b de l'article 24 du décret du 13 janvier 1986 susvisé, du 11° de l'article 41 et des articles 46-1 et 64 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et du b de l'article 34 du décret du 13 octobre 1988 susvisé : / a) D'un temps partiel de droit pour élever un enfant ; / b) D'un congé parental ; / c) D'un congé de présence parentale ; / d) Ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. / Les modalités de prise en compte de ces périodes d'interruption ou de réduction d'activité sont réglées conformément aux dispositions applicables aux fonctionnaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite. / 2° Dans les cas exceptionnels prévus par la loi ou un décret en Conseil d'Etat. Hormis pour les positions prévues à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, aux articles 57 et 64 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et aux articles 41 et 51 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, le temps passé dans une position ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs n'est compté comme service effectif que dans la limite de cinq années et sous réserve que les bénéficiaires fassent l'objet pendant ce temps, sur la base de leur dernier traitement d'activité, des retenues prescrites par le présent décret. "

5. Mme A soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité entre agents placés dans une situation identique et méconnaissent l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instaurant une discrimination infondée en fonction de la date de naissance de leurs enfants.

6. D'une part, l'article 11 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, s'il a été pris pour l'application de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est par lui-même réglementaire. Il n'est donc pas au nombre des dispositions dont le Conseil constitutionnel peut contrôler la conformité à la Constitution en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. D'autre part, si l'arrêté attaqué du 27 janvier 2021 par lequel la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé le licenciement de Mme A pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021, n'a pas été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite dont la conformité à la Constitution est contestée, elles ne sont toutefois pas dépourvues de lien avec les termes du litige dans la mesure où l'intéressée en revendique le bénéfice dans la constitution de son droit à pension en faisant valoir les années au titre desquelles elle a été placée en congé parental et en disponibilité pour élever un enfant et la rupture d'égalité entre agents qui serait constituée par la prise en compte à ce titre de l'année de naissance de leurs enfants. Toutefois, par la décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, visée ci-dessus, le Conseil Constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Ces dispositions reprennent, au titre de la liquidation de la pension, des dispositions relatives aux bonifications s'ajoutant aux années de services effectifs, au titre desquelles figure celle de l'interruption de l'activité professionnelle d'un agent pour élever ses enfants nés antérieurement au 1er janvier 2004. Le Conseil renvoie dans son analyse à l'article 44 de la loi du 21 août 2003 insérant à l'article L. 9 du même code les dispositions objets de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A. Il ressort du considérant 33 de cette décision que le Conseil Constitutionnel a retenu, s'agissant de la différence de traitement entre les fonctionnaires selon que leurs enfants sont nés ou adoptés avant ou après le 1er janvier 2004, que les dates prévues par le législateur reposent sur des critères objectifs et rationnels et qu'au demeurant, les différences de traitement dénoncées, de caractère provisoire et inhérentes à la succession de régimes juridiques dans le temps, ne sont pas contraires au principe d'égalité. Il résulte ainsi de ce qui vient d'être exposé, qu'en l'absence de circonstance de droit nouvelle, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par Mme A est dépourvue de caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de la transmettre au Conseil d'Etat.

En ce qui concerne les autres moyens de la requête :

7. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme A ne peut utilement soutenir que les juges de première instance auraient entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation et d'une dénaturation des pièces du dossier.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 19 du décret du

13 janvier 1986 : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. () ". Aux termes de l'article 26 de ce décret dans sa version applicable au litige : " () Le fonctionnaire qui, à l'issue de sa disponibilité ou avant cette date, s'il sollicite sa réintégration anticipée, ne peut être réintégré pour cause d'inaptitude physique est soit reclassé dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur, soit mis en disponibilité d'office dans les conditions prévues à l'article 19, soit, en cas d'inaptitude physique à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 7 du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 : " Le droit à pension est acquis : / () / 2° Sans condition de durée de services aux fonctionnaires rayés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions. ". Aux termes de l'article 30 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande ". Aux termes de l'article 39 du même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévus au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension ".

10. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le droit à pension acquis par des fonctionnaires relevant du régime de retraite anticipé prévu à l'article 39 précité du décret du 26 décembre 2003 est réservé aux situations dans lesquelles les blessures ou maladies ont été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle l'agent a acquis des droits à pension. En l'espèce, il est constant que l'accident à l'origine de l'inaptitude totale et définitive de Mme A à l'exercice de toutes fonctions est intervenu le 18 décembre 2015 au cours d'une période de disponibilité pour convenance personnelle qui lui avait été accordée à sa demande. Or, aux termes de l'article 72 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, " la disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite ". Par suite et alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué par l'intéressée que son état de santé à l'origine de son inaptitude résulte d'une blessure ou maladie contractée au cours d'une période durant laquelle elle acquérait des droits à pension susceptibles de lui ouvrir droit au bénéfice d'une retraite anticipée pour invalidité, les moyens tirés de l'erreur de fait ou de droit au regard des dispositions des articles 19 et 26 du décret n°86-68 du 13 janvier 1986 et de l'article 7 du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003, doivent être écartés.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Les services pris en compte dans la constitution du droit à pension sont : / 1° Les services accomplis par les fonctionnaires titulaires et stagiaires mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée () ". Aux termes de l'article L. 9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article L. 5 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf : / 1° Dans la limite de trois ans par enfant né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié : / () / b) D'un congé parental ; / () / d) D'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ou d'un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans ". Aux termes de l'article L. 11 du même code : " Les services pris en compte dans la liquidation de la pension sont : / 1° Pour les fonctionnaires civils, les services énumérés à l'article L. 5 () ". Aux termes de l'article L. 12 du même code : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : () / b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article L. 24 du même code : " I. - La liquidation de la pension intervient : () 4° Lorsque le fonctionnaire ou son conjoint est atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le plaçant dans l'impossibilité d'exercer une quelconque profession, dans les conditions prévues à l'article L. 31 et sous réserve que le fonctionnaire ait accompli au moins quinze ans de services ; ".

12. Contrairement à ce que soutient Mme A, les bonifications auxquelles les fonctionnaires peuvent, le cas échéant, prétendre au titre de la liquidation de leur pension lorsqu'elle intervient dans les conditions prévues aux dispositions du 4° du I de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, s'ajoutent aux années de services effectifs qu'ils ont accomplis ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 12 de ce code mais ne substituent pas à elles. A ce titre, la bonification d'un an par enfant, accordée aux femmes ayant interrompu leur activité, a uniquement pour effet d'apporter une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisés en majorant la liquidation de leur pension. Si cette bonification peut ainsi être assimilée à une rémunération différée, elle n'entre pas, en revanche, en considération dans la constitution du droit à pension, laquelle suppose la réalisation de services effectifs dans les conditions prévues à l'article L. 9 précité de ce code. Par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que les années au cours desquelles elle a été placée en congé parental ou en disponibilité pour élever un enfant devait en l'espèce entrer dans la constitution de ses droits à pension et qu'en conséquence, la décision en litige serait entachée d'une erreur de fait ou de droit.

13. En dernier lieu, si Mme A soutient que les dispositions législatives précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite introduisent une discrimination contraire au principe d'égalité, il résulte du point 6 du présent arrêt, d'une part, que la question prioritaire de constitutionnalité présentée par un mémoire distinct a fait l'objet d'un refus de transmission et, d'autre part, que le Conseil Constitutionnel s'est prononcé, par la décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 en retenant que le principe d'égalité n'était en l'espèce pas méconnu. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer, dans un cadre autre que celui d'une question prioritaire de constitutionnalité, sur la conformité d'une disposition législative à une norme à valeur constitutionnelle. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la présidente du conseil régional

d'Ile-de-France a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit à la demande présentée par la région Ile-de-France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionalité soulevée par Mme A.

Article 2 : La requête de Mme A est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B A et à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 juillet 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C