Cour de cassation

Arrêt du 4 juillet 2024 n° 24-10.924

04/07/2024

Non renvoi

CIV. 2

 

COUR DE CASSATION

 

FD

 

______________________

 

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

 

Audience publique du 4 juillet 2024

 

NON-LIEU A RENVOI

 

Mme MARTINEL, président

 

Arrêt n° 838 F-D

 

Pourvoi n° V 24-10.924

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

 

_________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024

 

Par mémoire spécial présenté le 24 mai 2024, la société [4], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 24-10.924 formé contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans une instance l'opposant :

 

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Normandie, dont le siège est [Adresse 3],

 

2°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Limousin, dont le siège est [Adresse 1],

 

Le dossier a été communiqué au procureur général.

 

Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Normandie, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

 

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Faits et procédure

 

1. S'étant vue notifier un redressement de cotisations portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Limousin (l'URSSAF), puis une mise en demeure, pour l'un de ses établissements, par l'URSSAF de Normandie, la société [4] (la société) a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

 

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

 

2. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2023 par la cour d'appel de Rouen, la société a, par mémoire distinct et motivé, déposé au greffe de la Cour de cassation le 24 mai 2024, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 244-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, en ce qu'il prévoit la suspension du délai de prescription des cotisations et contributions sociales pendant la période contradictoire, sans préciser le terme de la période contradictoire, et donc de la suspension du délai de prescription, est-il entaché d'incompétence négative, au regard de l'article 34 de la Constitution, affectant le droit de propriété, garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ainsi que le droit à un recours effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ? »

 

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

 

3. La disposition contestée est applicable au litige, qui porte sur le recouvrement de cotisations et contributions sociales, dans lequel l'application de la suspension de la prescription des cotisations et contributions sociales pendant la période contradictoire est invoquée par l'URSSAF pour s'opposer à la fin de non-recevoir tirée de la prescription des cotisations de l'année 2016 soulevée par la société.

 

4. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

5. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

6. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

 

7. En effet, l'article L. 244-3, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, applicable au litige, prévoit que, dans le cas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, le délai de prescription des cotisations, contributions majorations et pénalités de retard est suspendu pendant la période contradictoire mentionnée à l'article L. 243-7-1 A, laquelle débute, selon ce dernier texte, avec la réception par la personne contrôlée de la lettre d'observations de l'agent chargé du contrôle et qui doit être préalable à l'envoi d'une mise en demeure ou d'un avertissement à la personne contrôlée en application de l'article L. 244-2 du même code.

 

8. Il résulte, en outre, de l'article L. 243-7-1 A, alinéa 2, du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, applicable au litige, et des dispositions de l'article R. 243-59, III, du même code, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, non concernées par l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat, dans sa décision du 2 avril 2021 (n° 444731), qui fixent les conditions d'application de l'article L. 243-7-1 A, que la durée de la période contradictoire qui peut être prolongée à la demande du cotisant, avant l'expiration du délai initial de 30 jours, correspond à la période des échanges avec l'agent chargé du contrôle, qui, en l'absence d'observations de la personne contrôlée, prend fin à l'issue de ce délai ou de sa prolongation et, en cas d'observations de sa part dans ce délai, à la date d'envoi de la réponse de l'agent chargé du contrôle qui est tenu de répondre.

 

9. La circonstance que le quatrième alinéa du IV de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, qui prévoyait que la période contradictoire prend fin à la date de l'envoi de la mise en demeure ou de l'avertissement mentionnés à l'article L. 244-2 du présent code, ait été annulé par une décision du Conseil d'Etat précitée, ne peut fonder le grief d'inconstitutionnalité de la loi.

 

10. Il ne saurait, dès lors, être sérieusement soutenu que la disposition législative contestée méconnaît les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui réservent à la loi la détermination de l'assiette, du taux et des modalités de recouvrement des impositions de toutes natures dans des conditions qui affectent par elle-même le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et le droit de propriété garanti par l'article 17 de la même Déclaration.

 

11. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Code publication

n