Cour administrative d'appel de Paris

Arrêt du 20 juin 2024 n° 23PA03998

20/06/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D B a demandé au tribunal administratif de Melun, par une requête n° 2107151 d'annuler la décision du 22 juin 2021 par laquelle le maire de Livry-sur-Seine s'est opposé à la déclaration préalable déposée le 4 juin 2021 afin d'installer une clôture grillagée de 1,80 mètre de hauteur et un portail sur la façade avant du terrain et sur la partie de l'alignement en référence au plan du 11 décembre 1987 sur la parcelle cadastrée section AB n° 590 située rue de Melun à Livry-sur-Seine, d'annuler le procès-verbal du 2 juillet 2021 et de mettre à la charge de la commune de Livry-sur-Seine une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, par une requête n° 2108896, d'annuler la décision du 30 juillet 2021 par laquelle le maire de Livry-sur-Seine s'est opposé à la déclaration préalable déposée le 5 juillet 2021 afin d'installer une clôture grillagée de 1,80 mètre de hauteur et un portail sur la parcelle cadastrée section AB n° 590 située rue de Melun à Livry-sur-Seine, de condamner la commune de Livry-sur-Seine à lui verser une somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral qu'il estime avoir subi et de mettre à la charge de la commune de Livry-sur-Seine une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2107151-2108896 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions des 22 juin 2021 et 30 juillet 2021 par lesquelles le maire de Livry-sur-Seine s'est opposé aux déclarations préalables de travaux de M. B, condamné la commune de Livry-sur-Seine à verser à M. B une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n°23PA03998 et des mémoires, enregistrés les

7 septembre 2023, 11 mars 2024, et 2 avril 2024, la commune de Livry-sur-Seine, représentée par Me Pfligersdorffer, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2107151-2108896 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B comme irrecevable ou à défaut comme infondée ;

3°) de mettre à la charge de M. B le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- M. A avait reçu délégation du maire en matière d'urbanisme par arrêté du 26 mai 2020, et dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les arrêtés attaqués ne sont pas entachés d'incompétence ;

- ces arrêtés ne sont pas entachés d'illégalité interne dès lors notamment qu'un plan d'alignement peut prévoir un élargissement de la voie de plusieurs mètres si cela est conforme au but d'intérêt général poursuivi, qui peut être d'assurer la sécurité routière, et en l'espèce l'élargissement de 4 mètres prévu, destiné à améliorer la sécurité des voitures et des piétons, n'était pas excessif au regard de cet objectif ;

- ce plan d'alignement est toujours en vigueur et a été respecté sur l'essentiel de la rue de Melun ;

- la procédure d'alignement prévoyant que les acquisitions seront faites à titre gratuit, le moyen tiré du non-paiement des indemnités d'expropriation est inopérant ;

- le moyen tiré du défaut d'enquête publique et de plan parcellaire manque en fait ;

- le principe d'égalité ne s'applique qu'entre personnes se trouvant dans la même situation ; or les propriétaires envisageant la réalisation de constructions nouvelles ne sont pas dans la même situation que ceux dont le terrain supporte des constructions préexistantes, auxquelles l'alignement ne s'applique pas ; par ailleurs le principe d'égalité ne peut être invoqué à l'appui d'une demande tendant à l'octroi d'un avantage illégal ; enfin la circonstance qu'une clôture aurait été autorisée pour une autre propriété de la rue ne dispense pas le propriétaire de respecter l'alignement ;

- le moyen tiré du défaut de publication du plan d'alignement manque en fait dès lors qu'il a été annexé au plan local d'urbanisme du 1er février 2008 ;

- la requête d'appel de M. B, concomitante de la sienne et enregistrée sous le

n° 23PA04057, est irrecevable dès lors que l'intéressé a obtenu satisfaction devant le tribunal ;

- la demande de première instance de M. B, de même que la requête d'appel qu'il a formée concomitamment à celle de la commune sous le n° 23PA04057 sont irrecevables dès lors que la troisième déclaration de travaux formée par M. B a fait l'objet le 28 juin 2022 d'un arrêté d'opposition à travaux devenu définitif ;

- M. B n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait dû en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme prendre une nouvelle décision à la suite de l'annulation contentieuse des deux arrêtés d'opposition à travaux dès lors que du fait des appels formés cette annulation n'est pas devenue définitive.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 mars 2024 et 10 avril 2024, M. B, représenté par Me Ribiere, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Livry-sur-Seine ;

2°) d'enjoindre à la commune de Livry-sur-Seine de lui délivrer les autorisations de clôture qu'il a sollicitées dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Livry-sur-Seine le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Livry-sur-Seine ne sont pas fondés ;

- les moyens qu'il avait soulevés en première instance étaient fondés.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 10 avril 2024 et 15 mai 2024, M. B, représenté par Me Ribiere, demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée par la loi organique

n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 6-1 de la Constitution, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière.

Il soutient que :

- les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 pour la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité sont satisfaites ;

- l'arrêté d'opposition à travaux du 28 juin 2022 se fonde sur un plan d'alignement pris en vertu de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière, qui s'applique donc bien au litige ;

- si le Conseil Constitutionnel s'est déjà prononcé dans sa décision CC n° 2011-201 QPC sur la constitutionnalité des alinéas 2 et 3 de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière, il a alors émis une réserve d'interprétation et le cas d'espèce révèle une difficulté dans la détermination du champ d'application de cette réserve d'interprétation justifiant que le Conseil Constitutionnel se prononce de nouveau ;

- la question posée présente un caractère sérieux.

Par des observations enregistrées le 17 avril 2024, la commune de Livry-sur-Seine conclut au rejet de la demande de transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 pour la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ne sont pas satisfaites.

Deux mémoires ont été produits par la commune de Livry-sur-Seine après la clôture automatique les 20 et 21 mai 2024.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23PA04057 et des mémoires en réplique, enregistrés respectivement les 12 septembre 2023, 18 mars 2024, 10 avril 2024 et 15 mai 2024,

M. B, représenté par Me Ribiere, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2107151-2108896 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'enjoindre à la commune de Livry-sur-Seine de lui délivrer les autorisations de clôture qu'il a sollicitées dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Livry-sur-Seine le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable bien que le tribunal ait annulé pour illégalité externe les arrêtés attaqués ;

- ces arrêtés se fondent sur un plan d'alignement qui est illégal à plusieurs titres ;

- ce plan d'alignement est illégal en ce qu'il autorise un élargissement excessif de la voie alors qu'il ne pourrait légalement permettre qu'un élargissement mineur et que cet élargissement important n'est pas justifié par un intérêt public ;

- le non-respect, au droit de plusieurs parcelles de la rue, de cet alignement révèle la volonté de la commune de ne plus appliquer ce plan d'alignement et elle ne pouvait donc l'opposer utilement au requérant ;

- ce plan d'alignement doit être regardé comme devenu caduc dès lors que plus de trente ans après son édiction la commune n'a pas payé d'indemnités aux riverains ni pris possession des terrains concernés ;

- le plan d'alignement est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas été précédé d'une enquête publique et ne comporte pas de plan parcellaire ;

- il a été instauré par la délibération du 11 décembre 1987 qui a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-10 du code des communes alors applicable, les conseillers municipaux n'ayant pas été convoqués au moins trois jours francs avant le début de la séance ;

- l'alignement opposé au requérant correspond à un projet d'aménagement conjoint avec la commune de Vaux-le-Penil abandonné depuis cinquante ans ;

- les arrêtés contestés méconnaissent le principe d'égalité, dès lors que des parcelles voisines comportent des clôtures, sans qu'il y ait avec la sienne des différences justifiant une différence de traitement ;

- le plan d'alignement contesté ne pouvait être opposé à sa déclaration de travaux dès lors qu'il n'avait pas été annexé au plan local d'urbanisme.

Par des mémoires enregistrés les 11 mars 2024 et 2 avril 2024, la commune de Livry-sur-Seine, représentée par Me Pfligersdorffer, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 7 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B ;

3°) de mettre à la charge de M. B le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que M. B a obtenu satisfaction devant le tribunal ;

- la demande de première instance de M. B, de même que sa requête d'appel sont irrecevables dès lors que la troisième déclaration de travaux formée par M. B a fait l'objet le 28 juin 2022 d'un arrêté d'opposition à travaux devenu définitif ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 10 avril 2024, M. B, représenté par Me Ribiere, demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 6-1 de la Constitution, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière.

Il soutient que :

- les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 pour la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité sont satisfaites ;

- l'arrêté d'opposition à travaux du 28 juin 2022 se fonde sur un plan d'alignement pris en vertu de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière, qui s'applique donc bien au litige ;

- si le Conseil Constitutionnel s'est déjà prononcé dans sa décision CC n° 2011-201 QPC sur la constitutionnalité des alinéas 2 et 3 de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière il a alors émis une réserve d'interprétation et le cas d'espèce révèle une difficulté dans la détermination du champ d'application de cette réserve d'interprétation justifiant que le Conseil Constitutionnel se prononce de nouveau ;

- la question posée présente un caractère sérieux.

Par des observations enregistrées le 17 avril 2024 la commune de Livry-sur-Seine conclut au rejet de la demande de transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 pour la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ne sont pas satisfaites.

Deux mémoires ont été produits par la commune de Livry-sur-Seine après la clôture automatique les 20 et 21 mai 2024.

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 22 mai 2024 présentée pour

M. B, représenté par Me Ribiere dans chacune des deux instances.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la voirie routière ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Pfligersdorffer, avocat de la commune de Livry-sur-Seine,

- et les observations de Me Ribiere, avocat de M. B.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 11 décembre 1987 le conseil municipal de la commune de Livry-sur-Seine a décidé d'un alignement à 12 mètres pour les parcelles bordant la rue de Melun, située sur le territoire de cette commune. Par acte notarié du 20 avril 2018, M. B et son épouse ont acquis les parcelles cadastrées section AB n° 586 et AB n° 590, situées 80 rue de Melun à Livry-sur-Seine. Par un arrêté du 11 janvier 2018, le maire de la commune leur a délivré un permis de construire une maison individuelle et/ou ses annexes sur ce terrain. Par un courrier du 1er juin 2021, l'adjoint au maire de la commune de Livry-sur-Seine chargé de l'urbanisme a indiqué à M. B qu'avaient été constatés sur sa parcelle des travaux de réalisation d'une clôture qui n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable en mairie. M B a dès lors déposé une première déclaration de travaux, enregistrée en mairie le 4 juin 2021, portant sur la réalisation d'une clôture d'une hauteur de 1,80 mètre sur la parcelle cadastrée section AB n° 590 située en bordure de voie. Le maire de Livry-sur-Seine s'est opposé à cette déclaration préalable de travaux par un arrêté du 22 juin 2021 contre lequel M B a formé un recours gracieux le 13 juillet 2021, rejeté le 26 juillet suivant.

M. B a dès lors saisi le tribunal administratif de Melun par une première demande, enregistrée sous le n° 2107151, par laquelle il sollicitait également l'annulation du procès-verbal dressé le

2 juillet 2021 pour absence de déclaration préalable de travaux et réalisation d'une clôture sur une parcelle frappée d'alignement. Simultanément, il a déposé une nouvelle déclaration de travaux le

5 juillet 2021 portant désormais sur la réalisation d'un mur de clôture de 1,80 mètre de haut et un portail. Le maire de la commune de Livry-sur-Seine s'est également opposé à cette déclaration préalable, par un arrêté du 30 juillet 2021, dont M. B a dès lors également saisi le tribunal administratif de Melun, par une seconde requête enregistrée le 28 septembre 2021 sous le

n° 2108896 par laquelle il sollicitait également la condamnation de la commune à lui verser une somme de 2 500 euros à titre d'indemnisation. Le tribunal ayant, le 10 février 2022, nommé une médiatrice, un projet de transaction a été conclu aux termes duquel notamment la commune renonçait à toutes poursuites, et les consorts B se désistaient de leurs deux instances contentieuses et s'engageaient, s'ils souhaitaient installer une clôture, à déposer une déclaration de travaux respectant toutes les règles d'urbanisme applicables. Les consorts B se sont donc désistés, par lettre du 16 mai 2022, de leurs deux demandes devant le tribunal administratif de Melun puis ils ont ensuite déposé une troisième déclaration de travaux, en date du 20 juin 2022, à laquelle le maire s'est opposé par arrêté du 28 juin 2022, à la suite de quoi ils se sont rétractés de leur désistement, le 5 septembre 2022, par l'intermédiaire de leur avocat. Le tribunal a dès lors, par jugement n° 2107151-2108896, annulé pour illégalité externe les arrêtés des 22 juin 2021 et

30 juillet 2021 portant opposition à leurs deux premières déclarations préalables de travaux et a rejeté le surplus des conclusions des parties. C'est le jugement dont la commune relève appel par une requête enregistrée sous le n° 23PA03998 et dont M. B interjette également appel dans l'instance n° 23PA04057.

2. Les requêtes, enregistrées sous les n° 23PA03998 et 23PA04057, présentent à juger une même question et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu d'y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23PA03998 :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

4. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé

d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

5. Aux termes de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière " La publication d'un plan d'alignement attribue de plein droit à la collectivité propriétaire de la voie publique le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'il détermine. / Le sol des propriétés bâties à la date de publication du plan d'alignement est attribué à la collectivité propriétaire de la voie dès la destruction du bâtiment. / Lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation ".

6. Il résulte notamment des dispositions précitées de l'article 23-2 de l'ordonnance

n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée que la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité d'une disposition législative est subordonnée à la condition que cette disposition n'ait pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, " sauf changement des circonstances ". Or par sa décision CC

n° 2011-201 QPC le Conseil Constitutionnel a déjà déclaré conformes à la Constitution les alinéas 2 et 3 de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière, sous la réserve qu' " il ressort du deuxième alinéa de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière que, lorsque le plan d'alignement inclut des terrains bâtis, le transfert de propriété résulte de la destruction du bâtiment ; que, tant que ce transfert n'est pas intervenu, les terrains sont soumis à la servitude de reculement, prévue par l'article L. 112-6 du code de la voirie routière, qui interdit, en principe, tout travail confortatif ; que la servitude impose ainsi au propriétaire de supporter la dégradation progressive de l'immeuble bâti pendant une durée indéterminée ; que la jouissance de l'immeuble bâti par le propriétaire est limitée par cette interdiction ; que, dans ces conditions, l'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété serait disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi si l'indemnité due à l'occasion du transfert de propriété ne réparait également le préjudice subi du fait de la servitude de reculement ; que, sous cette réserve, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière sont conformes à l'article 2 de la Déclaration de 1789 ". Si M. B fait valoir que le cas d'espèce révèle une hypothèse dans laquelle cette réserve d'interprétation ne trouve pas à s'appliquer, cette circonstance ne résulte aucunement d'une difficulté dans la détermination du champs d'application de ladite réserve mais seulement du fait que, relative au calcul de l'indemnisation due lors du transfert de propriété lorsque le plan d'alignement inclut des terrains bâtis, elle est sans lien avec le cas d'espèce, où est en cause le bien-fondé d'un plan d'alignement affectant une portion de terrain non bâtie. Par suite M. B n'est pas fondé à faire état d'une difficulté dans la détermination du champ d'application de cette réserve d'interprétation ni, par suite, à soutenir que celle-ci constituerait un changement de circonstances justifiant le réexamen des dispositions de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B tant dans l'instance n° 23PA003998 que dans l'instance n° 23PA004057.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; / () ". D'autre part, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal. / () ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur du 9 août 2015 au 1er juillet 2022 : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. / () / Le maire peut, sous sa responsabilité, certifier le caractère exécutoire d'un acte. / () / La publication ou l'affichage des actes mentionnés au premier alinéa sont assurés sous forme papier. La publication peut également être assurée, le même jour, sous forme électronique, dans des conditions, fixées par un décret en Conseil d'État, de nature à garantir leur authenticité. Dans ce dernier cas, la formalité d'affichage des actes a lieu, par extraits, à la mairie et un exemplaire sous forme papier des actes est mis à la disposition du public. La version électronique est mise à la disposition du public de manière permanente et gratuite ".

9. Pour prononcer l'annulation des deux arrêtés en litige le tribunal a retenu qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. A, adjoint au maire de la commune de Livry-sur-Seine chargé de l'urbanisme et signataire desdits arrêtés, disposait d'une délégation de signature, régulièrement publiée conformément aux dispositions précitées. La commune produit dès lors devant la Cour un arrêté en date du 26 mai 2020, donc antérieur à l'intervention des arrêtés attaqués, par lequel le maire a donné délégation à M. A, troisième adjoint, pour " suivre et traiter toutes les affaires relatives au domaine de l'urbanisme et de l'environnement ", et pour " instruire et délivrer les permis de construire et les différentes autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol énoncées au code de l'urbanisme ". Il en résulte également qu'une délégation permanente lui est donnée " à l'effet de signer tous les documents, courriers et autorisations de permis de construire, permis de démolir, permis d'aménager, déclarations préalables et autres autorisations d'urbanisme qui y sont liées () ". Enfin, par une mention, datée du 27 mai 2020, apposée sur cet arrêté et signée par le maire, celui-ci certifie le caractère exécutoire de cet acte. Invitée par la Cour à fournir tous éléments de nature à établir que les deux conditions nécessaires à ce caractère exécutoire, c'est-à-dire la publication de l'arrêté et sa transmission en préfecture, avaient bien été satisfaites, la commune a justifié par la production d'un " bordereau d'acquittement de transaction par la préfecture " de sa transmission au représentant de l'Etat le 28 mai 2020. En revanche, ni la production du répertoire des arrêtés municipaux mentionnant l'existence d'un arrêté de délégation de signature du maire à M. A en date du 26 mai 2020, qui ne fait pas état de sa publication, ni celle du compte rendu sommaire du conseil municipal du 5 juin 2020, affiché, selon les mentions qu'il comporte, le 8 juin suivant, et indiquant dans son contenu que le maire a pris des arrêtés de délégation de fonction - au demeurant non datés - " pour les cinq adjoints et le conseiller municipal délégué " ne permettent d'établir que ces arrêtés, qui n'y sont pas annexés, auraient bien été publiés, à supposer d'ailleurs que l'un d'eux soit bien l'arrêté du 26 mai 2020 sur le fondement duquel

M. A s'était vu attribuer compétence pour signer les décisions en litige. Dès lors, s'il est vrai que le maire a certifié sur l'arrêté de délégation produit du caractère exécutoire de cet arrêté, dès lors que la commune, invitée à corroborer cette certification, n'a pas été en mesure de justifier de la publication de l'arrêté en cause, elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait à tort annulé les deux décisions attaquées pour incompétence de leur signataire.

10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par M. B devant le tribunal ne sont pas susceptibles, en l'état du dossier, de fonder l'annulation prononcée.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Livry-sur-Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions des 22 juin 2021 et 30 juillet 2021 par lesquelles le maire de Livry-sur-Seine s'est opposé aux déclarations préalables de travaux de M. B.

Sur la requête n° 23PA04057 :

12. Il ressort des écritures de M. B qu'il ne formule aucune critique à l'encontre du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fins d'annulation du procès-verbal du

2 juillet 2021 ainsi que ses conclusions à fins d'indemnisation, présentées respectivement dans les instances n° 2107151 et n° 2108896, et qu'il se borne au contraire à critiquer le jugement en tant qu'il n'a annulé les deux arrêtés des 22 juin et 30 juillet 2021 que pour illégalité externe. Dès lors cette requête, qui est ainsi dirigée contre les seuls motifs du jugement attaqué et non contre son dispositif, ne peut qu'être rejetée comme irrecevable.

Sur les frais liés à l'instance :

13.Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. B les sommes que demande la commune de Livry-sur-Seine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dans les deux instances, ni de mettre à la charge de cette commune les sommes que demande M. B sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Article 2 : Les requêtes n° 23PA03998 et n° 23PA04057 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au maire de la commune de Livry-sur-Seine et à M. D B.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

M-I. CLe président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2, 23PA04057

Code publication

C