Non-lieu à statuer
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2024, M. B C, représenté par Me Flamant, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'arrêté conjoint du 27 mars 2024 par lequel le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours de la Martinique et le préfet de la Martinique ont abrogé, à compter du 1er octobre 2024, l'arrêté du 25 février 2022 portant sur son maintien en activité ;
2°) de mettre à la charge du service d'incendie et de secours de la Martinique et de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'urgence :
- sa radiation des cadres interviendra le 1er octobre 2024 alors que l'instruction de l'affaire devant le juge du principal n'aura pas été jugée à cette date et qu'une annulation de l'arrêté litigieux postérieurement à sa radiation des cadres n'aurait pas d'effet utile dès lors qu'il n'y aura plus de prolongation d'activité possible ni d'indemnisation financière compensant le non renouvellement de son activité ;
Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision :
- l'arrêté litigieux a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de procédure contradictoire préalable ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration dans la mesure où l'arrêté portant sur son maintien en activité n'est pas entaché d'illégalité et ne pouvait être abrogé au-delà du délai d'abrogation de quatre mois ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que l'abrogation de l'arrêté portant maintien en activité n'était plus admise, l'arrêté ayant produit tous ses effets directs dès son entrée en vigueur ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'intérêt du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2024, le service d'incendie et de secours de la Martinique, représenté par Me Mbouhou :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition relative à l'urgence n'est pas remplie dès lors que le requérant argumente davantage sur l'illégalité de l'arrêté litigieux et qu'il ne démontre pas l'atteinte immédiate de l'arrêté litigieux sur sa situation personnelle ; de plus, le requérant insiste sur le délai d'intervention de la décision au fond sans établir l'existence d'une situation d'urgence ; le requérant évoque ses craintes de ne pouvoir bénéficier d'une reconstitution de carrière ou que les indemnisations ne soient prises en compte dans le calcul de sa retraite sans caractériser une situation d'urgence ; à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté litigieux, le requérant ne sera pas privé de revenus ;
- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que la décision de prolongation d'activité est considérée comme un acte juridiquement inexistant ; le moyen tiré d'un vice de forme tenant à l'absence de procédure contradictoire est inopérant dans la mesure où il ne s'agit pas d'une décision prise en considération de la personne ; préalablement à l'adoption de l'arrêté attaqué, le requérant a été convoqué par son administration ; l'abrogation de l'arrêté de prolongation pouvait intervenir au-delà du délai de quatre mois dans la mesure où un tel acte n'est pas créateur de droit ; en outre, la décision de prolongation d'activité continue de produire ses effets contrairement à ce que soutient le requérant ; l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'erreur de droit dès lors qu'à la date de la prolongation accordée, le requérant n'était pas en situation d'en bénéficier au titre du recul de l'âge limite qui est constitutif d'un droit ni au titre d'une carrière incomplète.
Un mémoire distinct produit par le service d'incendie et de secours de la Martinique, représenté par Me Mbouhou, a été enregistré le 11 juin 2024, demandant la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article L. 556-7 du code général de la fonction publique aux principes de libre administration des collectivités territoriales, d'égalité de traitement et de continuité du service public, a été communiqué aux parties.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2024, le préfet de la Martinique doit être regardé comme concluant au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'en remet aux observations en défense présentées par le service d'incendie et de secours de la Martinique.
M. C a présenté des observations, enregistrées le 13 juin 2024, sur le mémoire distinct produit par le service d'incendie et de secours de la Martinique demandant la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité et conclut à ce qu'il soit statué sur ce que de droit sur la question prioritaire de constitutionnalité et, en cas de transmission au Conseil d'Etat, surseoir à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel et suspendre à titre provisoire les effets de l'arrêté attaqué jusqu'à la reprise de l'instance.
Vu :
- la requête enregistrée sous le n° 2400302 par laquelle il demande au tribunal d'annuler l'arrêté du 27 mars 2024 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 18 mai 2024 à 10 heures en présence de M. Minin, greffier d'audience, ont été entendus :
- M. A, qui a lu son rapport ;
- les observations de Me Barrois, substituant Me Flamant, représentant le requérant ;
- les observations de Me Mbouhou, représentant le service d'incendie et de secours de la Martinique.
La clôture de l'instruction est intervenue à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. B C, lieutenant-colonel de sapeurs-pompiers professionnels, affecté au sein du service d'incendie et de secours de la Martinique, a atteint la limite d'âge pour exercer son activité professionnelle le 13 septembre 2022. Par un courrier du 11 janvier 2022, M. C a demandé à être maintenu en activité au-delà de la limite d'âge. Par un arrêté du 25 février 2022, le service d'incendie et de secours a fait droit à sa demande. Par un arrêté du 27 mars 2024, dont le requérant demande la suspension au juge des référés par la présente requête, le service d'incendie et de secours a abrogé l'arrêté du 25 février 2022 portant sur son maintien en activité professionnelle.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ".
3. Il résulte des dispositions précitées que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
4. A l'appui de sa demande de suspension de l'arrêté abrogeant la décision en date du 25 février 2022 portant sur son maintien en activité au-delà de l'âge limite, le requérant se borne à soutenir que sa radiation des cadres interviendra le 1er octobre 2024, qu'à cette date, l'affaire devant le juge principal n'aura pas été jugée et qu'une annulation de l'arrêté litigieux postérieurement à sa radiation des cadres n'aurait pas d'effet utile dès lors qu'il n'y aura plus de prolongation d'activité possible et qu'il ne pourra pas obtenir une indemnisation financière. Toutefois, le requérant qui comptabilise un nombre de trimestres suffisant pour bénéficier d'une retraite à taux plein et un montant de pension correspondant qui lui sera versée à compter d'octobre 2024, ne produit aucun élément permettant d'établir que sa mise à la retraite à compter de cette date conduirait à une réduction de ses ressources financières de nature à générer sur sa situation personnelle ou familiale des conséquences suffisamment graves et immédiates pour caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, le requérant ne peut utilement se prévaloir des délais de jugement de sa requête au fond. Ainsi, alors même que le requérant soutient que la décision contestée est entachée d'illégalité, celle-ci ne peut être regardée, en l'état de l'instruction, comme bouleversant ses conditions d'existence de manière suffisamment grave et immédiate pour que l'urgence soit constituée.
5. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ni de se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le service d'incendie et de secours, les conclusions à fin de suspension de l'exécution de cette décision ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, doivent l'être également les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant la somme demandée par le service d'incendie et de secours de la Martinique au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. C est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par le service d'incendie et de secours de la Martinique est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B C, au service d'incendie et de secours de la Martinique et au préfet de la Martinique.
Fait à Schœlcher, le 19 juin 2024.
Le président, juge des référés,
Jean-Michel A
La république mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,