Non renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 11 août 2023, l'association " En toute franchise-département des Bouches-du-Rhône " et M. et Mme B et C A, représentés par Me Andreani, demandent au tribunal :
1) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le maire de Gardanne a délivré à la société SCI GFDI 21 un permis de construire n° PC 013 041 22 K0055 pour l'édification d'un commerce de produits frais d'une surface de plancher totale de 2236, 67 m² avenue d'Arménie, lieu-dit Saint-Michel ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.
2) de mettre à la charge de la commune de Gardanne la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt pour agir ;
- l'arrêté en litige méconnait les dispositions de l'article L. 422-5 b) du code de l'urbanisme qui impose un avis préalable conforme du préfet ;
- le dossier de permis de construire déposé par la pétitionnaire comporte une erreur dans la surface de vente déclarée, l'arrêté contesté méconnait ainsi les articles R. 423-13-2 du code de l'urbanisme et L. 752-1 du code de commerce en raison du vice de procédure qui l'affecte ;
- le dossier de permis de construire méconnait les dispositions des articles R. 431-10, R. 431-13 et R. 431-16 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté attaqué méconnait l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme en raison de l'insuffisance des aires de stationnement prévues ;
- il méconnait l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnait l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme ;
Par des mémoires distincts, enregistrés les 10 et 21 novembre 2023, l'association " En toute franchise-département des Bouches-du-Rhône " et M. et Mme B et C A, représentés par Me Andreani, demandent au tribunal, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le maire de Gardanne a délivré à la société SCI GFDI 21 un permis de construire n° PC 013 041 22 K0055 ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires, enregistrés le 26 avril 2024, la SCI GFDI 21, représentée par Me Bouyssou, conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise solidairement à la charge de l'association " En toute franchise-département des Bouches-du-Rhône " et des époux A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la question prioritaire de constitutionnalité n'a pas à être transmise au Conseil d'Etat ;
- l'association En toute franchise des Bouches-du-Rhône n'a pas démontré l'enregistrement de ses statuts en préfecture conformément aux dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme et ne dispose pas d'un intérêt pour agir en raison de son objet professionnel et concurrentiel ;
- les époux A ne justifient pas d'un intérêt pour agir ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2024, la commune de Gardanne représentée par Me Xoual, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et en tout état de cause à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'association " En toute franchise-département des Bouches-du-Rhône " et des époux A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par courrier du 15 mai 2024, les parties ont été informées de ce que le tribunal était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
La SCI GFDI 21 a présenté des observations par un mémoire du 17 mai 2024.
Par une ordonnance du 15 mai 2024 a été prononcée la clôture immédiate de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Houvet ;
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Tosi pour les requérants, de Me Anselmino pour la commune et de Me Chevalier pour la pétitionnaire.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° PC 013 041 22 K0055 du 17 février 2023, le maire de Gardanne a délivré à la société SCI GFDI 21 un permis de construire un commerce de produits frais d'une surface de plancher totale de 2 236, 67 m² avenue d'Arménie, lieu-dit Saint-Michel. L'association " En toute franchise-département des Bouches-du-Rhône " et les époux A demandent au tribunal d'annuler ce permis de construire.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. "
3. Contrairement à ce que fait valoir la société pétitionnaire, l'association " En toute franchise-département des Bouches-du-Rhône " a déposé en dernier lieu une déclaration de modification de ses statuts en sous-préfecture d'Istres le 8 janvier 2016. La fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme doit dès lors être écartée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. En l'espèce, d'une part, M. et Mme A, voisins immédiats du projet, soutiennent, sans être utilement contredits, que l'édification d'un bâtiment de plus de 10 mètres de hauteur sur les parcelles contiguës à la leur va altérer la vue dont ils disposaient et que l'activité engendrée va provoquer des nuisances sonores. Ils justifient ainsi de leur intérêt à agir.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'association " En toute franchise-département des Bouches-du-Rhône " a pour objet aux termes de ses statuts notamment " La défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par la planification ou l'autorisation de surfaces destinées au commerce et notamment de veiller à la légalité des autorisations d'urbanisme portant sur des surfaces destinées au commerce, y compris celles ne nécessitant pas la saisine de la commission départementale de l'aménagement commercial". Eu égard au caractère précis de ces statuts, l'association requérante, qui poursuit notamment un intérêt urbanistique, justifie également d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision en litige.
6. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir doivent, par suite, être écartées.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
7. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ". Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
8. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ". Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ; () ". Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale. () ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire en litige, délivré le 17 février 2023 à la SCI GFDI 21, l'a été au vu d'un projet prévoyant une surface de vente de 936, 26 m². Il résulte des dispositions des articles L. 425-4 du code de l'urbanisme et L. 752-1 du code de commerce citées ci-dessus que ce permis de construire ne peut tenir lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Dans ces conditions, les dispositions contestées de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme, qui ne sont, en vertu de leur lettre même, applicables qu'aux recours formés contre les permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, ne sont pas applicables au présent litige, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : () b) Dans un périmètre où des mesures de sauvegarde prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 424-1 peuvent être appliquées, lorsque ce périmètre a été institué à l'initiative d'une personne autre que la commune. ". Aux termes de l'article L. 424-1 de ce code : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 121-22-3, L. 121-22-7, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. / Il peut également être sursis à statuer : () 2° Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités;(). " Selon les dispositions de l'article L. 153-11 du même code : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L.153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3./ La délibération prise en application de l'alinéa précédent est notifiée aux personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9./ L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ".
11. D'une part, il ne ressort pas de ces dispositions que le champ d'application d'un plan local d'urbanisme intercommunal en cours de révision devrait être regardé dans son ensemble comme un périmètre au sein duquel le maire serait tenu de recueillir l'avis conforme du préfet sur toutes les autorisations d'urbanisme. D'autre part, il n'est ni établi ni même allégué que le projet serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme intercommunal. Dès lors, les requérants ne démontrent pas que les dispositions des articles L. 422-5, L. 424-1 et L. 153-11 du code de l'urbanisme auraient été méconnues.
12. En deuxième lieu, au terme de l'article R. 423-13-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque la demande de permis de construire porte sur un projet relevant de l'article L. 752-1 du code de commerce, le maire transmet au secrétariat de la commission départementale d'aménagement commercial deux exemplaires du dossier, dont un sur support dématérialisé, dans le délai de sept jours francs suivant le dépôt. () ".
13. Un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci. Ainsi, si lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou manifestement erroné en vue de contourner l'application des dispositions précitées, il lui appartient de refuser la demande de permis de construire de droit commun et de mettre en œuvre les dispositions idoines.
14. Il résulte des dispositions citées aux points précédents qu'un permis de construire qui relève de l'article L. 752-1 du code du commerce ne vaut autorisation d'exploitation commerciale que lorsqu'il est délivré sur avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, sur avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial. Dès lors, en principe, s'agissant d'un projet pour lequel le pétitionnaire a déclaré une surface de vente inférieure à 1 000 m², l'autorisation délivrée ne peut valoir autorisation commerciale et les moyens tirés d'une méconnaissance du code du commerce sont inopérants. Il en va toutefois différemment lorsque le requérant se prévaut d'une méconnaissance de dispositions du code de l'urbanisme et soulève un moyen tiré d'une fraude ou d'une erreur manifeste des déclarations concernant la surface de vente, le maire, saisi de la demande initiale, restant tenu d'exercer ce contrôle même si la nature de l'autorisation qu'il délivre peut être modifiée dès ce stade.
15. En l'espèce, l'association en toute franchise se prévaut notamment d'une méconnaissance des articles L. 425-4 et R. 423-13-2 du code de l'urbanisme au motif d'une déclaration erronée quant à la surface de vente. Il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé par le permis de construire attaqué, qui porte sur la construction d'un bâtiment d'une surface de 2 236, 67 m², est présenté comme portant sur une surface de vente totale de 936, 26 m² avec un local non affecté de 256, 72 m². Ce dossier comprend une notice précisant que la surface du hall de 96, 26 m², accessible à la clientèle pour circuler mais ne proposant pas de produits à la vente, a été exclue de cette superficie. S'il est constant que ces déclarations ne correspondent pas aux modalités de calcul telles que nouvellement définies (Conseil d'Etat, 16 novembre 2022, n°462720) il ne ressort pas de ces déclarations et des pièces du dossier qu'elles seraient entachées d'une erreur telle que les services instructeurs auraient dû considérer que le dossier était entaché d'une fraude ou que ces déclarations seraient manifestement erronées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-13-2 du code de l'urbanisme doit être écarté en l'espèce.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : () c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; (). ". Aux termes de l'article R. 431-13 de ce code : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ".
17. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
18. D'une part, les documents graphiques produits dans le dossier de demande de permis et intégrant le bâtiment en projet sont suffisants pour comprendre l'ampleur du projet et son insertion dans son environnement. D'autre part, l'article 5 du permis en litige renvoie aux prescriptions du service de la voirie. Les services instructeurs mentionnent ainsi notamment que la destruction d'un îlot végétalisé d'environ 160 m² est nécessaire au profit de l'élargissement d'un accès existant, que cette suppression ne doit en aucun cas impacter les revêtements et les bordures de la chaussée ou de la piste cyclable et émettent un avis favorable avec prescriptions. Ils précisent que la pente du trottoir créé sur le domaine public est non conforme et imposent l'aménagement de paliers de repos tous les 10 mètres. Il suit de là que les services instructeurs ont disposé des informations nécessaires pour évaluer la consistance du projet, tant s'agissant de l'accès à la parcelle que du domaine public et émettre des prescriptions.
19. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale ou, lorsqu'il s'agit d'une installation classée pour la protection de l'environnement pour laquelle une demande d'enregistrement a été déposée en application de l'article L. 512-7 du même code, le récépissé de la demande d'enregistrement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas de ne pas le soumettre à évaluation environnementale ; () f) Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ou par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ; () ". Aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'environnement : " : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau / () ". En vertu de la rubrique 41 " Aires de stationnement ouvertes au public, dépôts de véhicules et garages collectifs de caravanes ou résidences mobiles de loisirs " du tableau annexé à l'article R. 122-2, sont soumises à la procédure d'examen au cas par cas les " aires de stationnement ouvertes au public de 50 unités et plus ". Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de celles de la directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dont elles assurent la transposition, qui visent à subordonner l'autorisation des projets publics et privés susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement à une évaluation de ces incidences et définissent la notion de projet, pour leur application, comme " la réalisation de travaux de construction ou d'autres installations ou ouvrages " ou " d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol ".
20. D'une part, si la société pétitionnaire a produit en défense un arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet de région dispense le projet d'évaluation environnementale, cet acte est postérieur à la décision en litige et ne pouvait nécessairement pas figurer dans le dossier de demande de permis de construire déposé en mairie. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé en zone B2 du règlement graphique du plan de prévention des risques naturels prévisibles, mouvements différentiels de terrain, phénomène de retrait / gonflement des argiles de la commune de Gardanne. Il est donc soumis à la production d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception. Toutefois la production en défense d'une attestation établie le 5 mars 2024, postérieurement au dépôt du dossier de demande et qui n'a pas été visée par les services instructeurs ne peut suffire à régulariser ce vice. Dans ces conditions, le dossier de permis de construire n'était pas complet, en méconnaissance de l'article R. 431-16 a) et f) du code de l'urbanisme.
21. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme : " Nonobstant toute disposition contraire du plan local d'urbanisme, l'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale prévue aux 1° et 4° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce et à l'autorisation prévue au 1° de l'article L. 212-7 du code du cinéma et de l'image animée, ne peut excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce. Les espaces paysagers en pleine terre, les surfaces des aménagements relevant de l'article L. 3114-1 du code des transports, les surfaces réservées à l'auto-partage et les places de stationnement destinées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables sont déduits de l'emprise au sol des surfaces affectées au stationnement. La surface des places de stationnement non imperméabilisées compte pour la moitié de leur surface. "
22. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le permis de construire contesté ne vaut pas autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, le moyen est inopérant et doit être écarté.
23. Aux termes de l'article UE 3 du plan local d'urbanisme : " Pour être constructible, un terrain doit être desservi par un accès et une voirie publics ou privés d'une largeur minimale de 6 mètres présentant les caractéristiques permettant de satisfaire aux besoins des opérations projetées, aux exigences de sécurité, de défense contre l'incendie, de sécurité civile et de ramassage des ordures ménagères. / Les accès sur la voie publique doivent être aménagés en fonction de l'importance de la circulation générale et du trafic accédant de façon à éviter toute difficulté et tout danger pour la circulation générale () ".
24. Il ressort des pièces du dossier que la voie d'accès sera élargie pour permettre le croisement des véhicules, qu'elle dépassera ainsi les 6 mètres de largeur et que les accès à la voie publique seront aménagés pour s'adapter à la circulation générale, selon les prescriptions du service de voirie comme le prévoit l'article 5 du permis en litige. Ce moyen doit ainsi être écarté.
25. Aux termes de l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme : " La hauteur façade des constrictions est mesurée tel que décrit dans le chapitre modalités d'application des règles. Dans le secteur UE2 la hauteur maximale est limitée à 12 mètres () ". L'article 22 des dispositions générales du règlement précise que : " La hauteur des constructions s'apprécie par rapport au terrain naturel, c'est-à-dire le terrain existant avant tous travaux () ".
26. En l'espèce, les plans de coupe CC et DD, notamment, permettent de constater que le terrain est légèrement en pente et que les mesures de hauteur ont été effectuées à partir du terrain naturel. Il suit de là que le moyen ne peut être accueilli.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
27. Aux termes des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées () contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
28. Ces dispositions permettent au juge, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de l'autorisation d'urbanisme attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant-dire droit, les modalités de cette régularisation.
29. Le vice, dont le point 15 du présent jugement, tendant à la méconnaissance de l'article R. 431-16 a) et f) du code de l'urbanisme, reconnaît qu'il entache d'illégalité les permis de construire en litige, est susceptible de faire l'objet d'un permis de construire de régularisation faisant apparaitre que les documents manquants ont été produits et examinés par la commune. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer en application de l'article L.600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à la SCI GFDI 21 et à la commune de Gardanne un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir aux fins de produire les mesures de régularisation nécessaires.
D E C I D E :
Article 1er : : Il est sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, imparti à la SCI GFDI 21 et à la commune de Gardanne pour notifier au tribunal un permis de construire régularisant le vice mentionné au point 15 du présent jugement.
Article 2 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association " En toute franchise-Bouches-du-Rhône ", à M. et Mme B et C A, à la commune de Gardanne et à la SCI GFDI 21.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Salvage, président,
- Mme Le Mestric, première conseillère,
- Mme Houvet, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.
La rapporteure,
Signé
A. HOUVETLe président,
Signé
F. SALVAGE
La greffière,
Signé
F. FOURRIER La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
La greffière.
Code publication