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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B A a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 16 août 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Var a interrompu le versement de son traitement du 1er juillet au 2 août 2021 et l'a informé de ce qu'il devait rembourser la somme de 114 426,28 euros indûment versée correspondant aux traitements et accessoires du 3 août 2016 au 30 juin 2021.
Par un mémoire distinct, M. A a demandé au tribunal administratif de Toulon de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, codifié aux articles L. 123-1 et suivants du code général de la fonction publique.
Par une ordonnance du 6 octobre 2022, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité.
Par un jugement n° 2102505 du 23 février 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 août 2021.
Procédure devant la Cour :
Par un mémoire distinct, enregistré le 26 avril 2024 et présenté à l'appui de sa requête d'appel formée contre le jugement du 23 février 2024, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation la décision du 16 août 2021 du président du conseil d'administration du SDIS du Var, M. A, représenté par Me Hofmann, conteste devant la cour, en application des articles 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et R. 771-12 du code de justice administrative, le refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité précitée, décidé par l'ordonnance du 6 octobre 2022 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon.
Il soutient que l'obligation pour les fonctionnaires d'obtenir une autorisation pour exercer une activité privée lucrative prévue par l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, qui a été codifié aux articles L. 123-1 et suivants du code général de la fonction publique est contraire au principe d'égalité de traitement avec les salariés de droit privé, au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2024, le SDIS du Var, représenté par la Selarl cabinet Guisiano, conclut au rejet de ces conclusions et à ce que soit mise à la charge de M. A la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens exposés dans le mémoire ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83 du 13 juillet 1983 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".
2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". L'article 23-2 de la même ordonnance dispose que : " () Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".
3. En outre, aux termes du premier alinéa de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission .".
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion du recours formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement. Saisie de la contestation de ce refus, la cour procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
5. Enfin, en vertu des dispositions de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de formation de jugement () des cours () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".
6. Les dispositions des articles L. 123-1 et suivants du code général de la fonction publique qui ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 1er mars 2022 ne sont par conséquent pas applicables au présent litige relatif à des traitements et accessoires perçus du 3 août 2016 au 30 juin 2021.
7. Aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 : " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. Il est interdit au fonctionnaire : 1° De créer ou de reprendre une entreprise lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime prévu à l'article L. 613-7 du code de la sécurité sociale, s'il occupe un emploi à temps complet et qu'il exerce ses fonctions à temps plein ; 2° De participer aux organes de direction de sociétés ou d'associations à but lucratif ; 3° De donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s'exerce au profit d'une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ; 4° De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ; 5° De cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet. II.- Il est dérogé à l'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative : 1° Lorsque le dirigeant d'une société ou d'une association à but lucratif, lauréat d'un concours ou recruté en qualité d'agent contractuel de droit public, continue à exercer son activité privée pendant une durée d'un an, renouvelable une fois, à compter de son recrutement ; 2° Lorsque le fonctionnaire, ou l'agent dont le contrat est soumis au code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail. La dérogation fait l'objet d'une déclaration à l'autorité hiérarchique dont l'intéressé relève pour l'exercice de ses fonctions. III.- Le fonctionnaire qui occupe un emploi à temps complet peut, à sa demande, être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative. L'autorisation d'accomplir un service à temps partiel, qui ne peut être inférieur au mi-temps, est accordée, sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d'aménagement de l'organisation du travail, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable pour une durée d'un an, à compter de la création ou de la reprise de cette entreprise. Une nouvelle autorisation d'accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ne peut être accordée moins de trois ans après la fin d'un service à temps partiel pour la création ou la reprise d'une entreprise. Lorsque l'autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d'une entreprise avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois années précédant sa demande d'autorisation, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, le référent déontologue. Lorsque l'avis de ce dernier ne permet pas de lever ce doute, l'autorité hiérarchique saisit la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui se prononce dans les conditions prévues à l'article 25 octies. Lorsque le fonctionnaire occupe un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, l'autorité hiérarchique soumet sa demande d'autorisation à l'avis préalable de la Haute Autorité. A défaut, le fonctionnaire peut également saisir la Haute Autorité. IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. Par dérogation au 1° du I du présent article, ces activités peuvent être exercées sous le régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. Il peut notamment être recruté comme enseignant associé en application de l'article L. 952-1 du code de l'éducation. V.- La production des œuvres de l'esprit, au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, s'exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d'auteur des agents publics et sous réserve de l'article 26 de la présente loi. Les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions. VI.- Sans préjudice de l'engagement de poursuites disciplinaires, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement. VII.- Les conditions d'application du présent article, notamment la liste des activités susceptibles d'être exercées à titre accessoire en application du IV, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ".
8. Les dispositions législatives précitées n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et sont applicables au litige.
9. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi () doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.
10. Ainsi que l'a jugé le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon, les fonctionnaires, qui sont placés dans une situation statutaire et réglementaire, sont dans une situation différente de celle des salariés de droit privé notamment en ce qu'ils doivent être disponibles pour exercer leur activité publique qui participe de l'intérêt général. Le principe d'égalité ne fait par conséquent pas obstacle à que les conditions de cumul d'activités soient régies de façon distincte pour les fonctionnaires et les salariés de droit privé.
11. M. A fait également valoir que l'interdiction générale et absolue contenue dans les dispositions de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 est contraire au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. Toutefois, il résulte des dispositions de cet article rappelées au point 7 que des dérogations à l'interdiction du cumul d'activités sont prévues et que, par suite, l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 n'est pas contraire au droit de la propriété et à la liberté d'entreprendre.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a estimé que la question prioritaire de constitutionnalité était dépourvue de caractère sérieux et a décidé, par suite, qu'il n'y avait pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du SDIS du Var tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : Les conclusions de M. A dirigées contre l'ordonnance en date du 6 octobre 2022 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'intéressé sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours du Var tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au service départemental d'incendie et de secours du Var.
Fait à Marseille, le 30 mai 2024.