Non renvoi
CIV. 2
COUR DE CASSATION
LM
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 30 mai 2024
NON-LIEU À RENVOI
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 614 F-D
Affaire n° E 24-40.005
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024
Le tribunal judiciaire de Tulle a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 8 mars 2024, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 11 mars 2024, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
M. [D] [K], domicilié [Adresse 2],
D'autre part,
la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze, dont le siège est [Adresse 1].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [K] (l'assuré), titulaire d'une pension de retraite depuis le 1er septembre 2020 et salarié à temps plein, a été placé en arrêt de travail à compter du 29 septembre 2022.
2. La caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze (la caisse) lui ayant refusé le bénéfice des indemnités journalières au-delà du 6 novembre 2022, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
3. Par jugement du 8 mars 2024, le tribunal judiciaire de Tulle a transmis une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrée au greffe de la Cour de cassation le 11 mars 2024, ainsi rédigée :
« L'article L. 323-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2023, tel que modifié par une loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, article 26, porte-t-il atteinte au principe constitutionnel d'égalité, contenu dans la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution et par son article 1er ? ».
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
4. La disposition contestée, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, est applicable au litige, qui concerne le refus de versement d'indemnités journalières au-delà du délai de 60 jours, fixé par l'article R. 323-2 du code de la sécurité sociale, à un assuré bénéficiant du dispositif dit de cumul emploi-retraite.
5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
8. En effet, le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec la loi qui l'établit.
9. En outre, le législateur doit, pour assurer le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de ce principe.
10. Il ne saurait être sérieusement soutenu que la disposition contestée, en tant qu'elle limite le nombre d'indemnités journalières versées aux assurés bénéficiant du dispositif dit de cumul emploi-retraite, méconnaît le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, dès lors que la différence de traitement qu'elle instaure entre, d'une part, les assurés, qui en sus des indemnités journalières perçoivent une pension, rente ou allocation de vieillesse servie par un régime de sécurité sociale et, d'autre part, les autres salariés, pour lesquels les indemnités journalières constituent le seul revenu de remplacement, est fondée sur une différence de situation.
11. En outre, cette différence de traitement est en rapport, tant avec l'objet de la loi qui l'établit, qui consiste à assurer le financement de la sécurité sociale, dans le cadre de la mise en oeuvre de la solidarité nationale, qu'avec celui de la prestation, qui vise à compenser la perte de gain de l'assuré. Elle repose ainsi sur un critère objectif et rationnel et il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elle crée une atteinte caractérisée à l'égalité devant les charges publiques.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.
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