Cour administrative d'appel de Bordeaux

Ordonnance du 16 mai 2024 n° 19BX04918

16/05/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

L'association Le fond des airs et M. et Mme C, représentés par Me Jean-Meire, ont saisi la cour, le 17 décembre 2019, d'un appel dirigé contre le jugement n° 1801913 et 1801952 du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2018 du préfet de la Charente-Maritime approuvant le plan de prévention des risques naturels de la commune de La Couarde-sur-Mer ainsi que des décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux.

Par un arrêt avant-dire droit du 5 juillet 2022, la cour a sursis à statuer sur la requête de l'association Le fond des airs et de M. et Mme C jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois ou de six mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre au préfet de la Charente-Maritime de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation de l'irrégularité entachant la décision de dispense d'évaluation environnementale du 27 novembre 2014 prise par le préfet de la Charente-Maritime alors qu'il était également en charge de l'élaboration du document contesté.

Par un mémoire distinct, enregistré le 5 avril 2024, déposé au titre des articles 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-12 du code de justice administrative, l'association Le fond des airs et M. et Mme C, représentés par Me Jean-Meire, demandent à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l'article L. 191-1 du code de l'environnement issu de l'article 32 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

Ils soutiennent que :

- les dispositions contestées sont applicables au litige dès lors que c'est en application de ces dispositions que la cour a sursis à statuer sur leur requête ;

- elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

- la question de la constitutionnalité de ces dispositions présente un caractère sérieux ; en effet, cette disposition porte atteinte au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont l'une des composantes réside dans le fait que les juges tranchent, dans un délai raisonnable, le recours engagé ; en cas de sursis à statuer, il n'existe en effet aucun mécanisme permettant de s'assurer que les délais de régularisation impartis seront respectés ; lorsque sont en cause des régularisations lourdes, impliquant le cas échéant des enquêtes publiques, les délais sont alors incompatibles avec le droit à un délai raisonnable de jugement comme le démontrent les faits de l'espèce, l'affaire étant à l'instruction depuis plus de 4 ans et 3 mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. En application de l'article LO 771-1 du code de justice administrative : " La transmission par une juridiction administrative d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ". Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

2. Par un arrêté du 15 février 2018, le préfet de la Charente-Maritime a approuvé le plan de prévention des risques naturels (risques littoraux - érosion côtière et submersion marine - et incendie de forêt) de la commune de La Couarde-sur-Mer. L'association Le fond des airs, M. A C et Mme D B épouse C ont formé des recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, lesquels ont été reçus par la préfecture les 13 et 16 avril 2018 et ont été implicitement rejetés. Ils ont relevé appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 15 février 2018 et des décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux. Par un arrêt avant-dire droit du 5 juillet 2022, la cour a sursis à statuer sur la requête de l'association Le fond des airs et de M. et Mme C jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois ou de six mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre au préfet de la Charente-Maritime de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation de l'irrégularité entachant la décision de dispense d'évaluation environnementale du 27 novembre 2014 prise par le préfet de la Charente-Maritime alors qu'il était également en charge de l'élaboration du document contesté. Par un mémoire distinct, enregistré le 5 avril 2024, l'association Le fond des airs et M. et Mme C demandent à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l'article L. 191-1 du code de l'environnement issu de l'article 32 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

3. Aux termes de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, issu de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un plan ou programme mentionné au 1° de l'article L. 122-5, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration, la modification ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le plan ou programme reste applicable. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

4. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition.

5. Les dispositions législatives précitées n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et sont applicables au litige.

6. Ainsi que le soutiennent les requérants, les dispositions législatives contestées ne fixent aucun délai au juge pour rendre sa décision mettant fin à l'instance dans le cas où le délai qu'il a fixé pour régulariser le plan ou programme attaqué est échu. Toutefois, en l'absence de délai déterminé par la loi, il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leur cause soit jugée dans un délai raisonnable. Ainsi, le juge devant toujours statuer dans un délai raisonnable, en tenant compte des difficultés de chaque affaire, et eu égard aux conditions prévues par l'article L. 191-1 du code de l'environnement, qui n'affectent pas le droit de contester un plan ou programme devant le juge administratif et d'obtenir qu'une telle décision soit conforme aux lois et règlements applicables, l'absence de délai déterminé imposé à la juridiction pour rendre sa décision mettant fin à l'instance après avoir sursis à statuer en vue de la régularisation d'un plan ou programme ne porte pas atteinte aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'association Le fond des airs et M. et Mme C est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander sa transmission au Conseil d'Etat.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'association Le fond des airs et M. et Mme C.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Le fond des airs, à M. A et Mme D C et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Fait à Bordeaux, le 16 mai 2024.

La présidente,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2 QPC

Code publication

C