Cour administrative d'appel de Lyon

Arrêt du 16 mai 2024 n° 22LY01279

16/05/2024

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B A a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un mémoire distinct, M. A a demandé au tribunal, à l'appui de cette requête, de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts.

Par une ordonnance n° 2007528 QPC du 5 février 2021, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité de M. A.

Par un jugement n° 2007528 du 1er mars 2022 le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 avril 2022, M. A, représenté par Me Duret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er mars 2022 ;

2°) de le décharger des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 15 000 euros au titre des frais d'instance engagés en première instance et en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence d'activité occulte, seule l'année 2015 n'était pas prescrite ;

- il a été privé de la faculté de saisir le comité de l'abus de droit ;

- les modalités de détermination des dépenses professionnelles n'ont pas été précisées dans la proposition de rectification, en méconnaissance de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait faire application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;

- ces dispositions sont contraires à la liberté d'établissement prévue par le droit de l'Union européenne ;

- il justifie de charges devant être déduites de ses revenus au sens de l'article 93 du code général des impôts, ainsi qu'en application de la doctrine fiscale.

Par un mémoire distinct, enregistré le 29 avril 2022, M. A demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2007528 QPC du 5 février 2021, par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;

2°) de transmettre cette question au Conseil d'Etat.

Il soutient que :

- l'article 155 A du code général des impôts est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

- cet article institue une présomption irréfragable de fraude ou d'évasion fiscales constituant un changement des circonstances de droit nécessitant ainsi que la question soit examinée

à nouveau par le Conseil constitutionnel ;

- la question posée n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la demande de transmission présentée par M. A.

Il soutient que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ainsi que son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel ;

- la décision n° 346642 du 20 mars 2013 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- les observations de Me Genois, représentant M. A ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un droit de communication effectué auprès de la société MGP SI située à Levallois-Perret (92), l'administration a constaté que cette société, au sein de laquelle, M. A a été identifié comme effectuant des prestations informatiques en qualité de consultant, avait versé des rémunérations à une société située en Irlande, créée par M. A, le l2 avril 2012 et dont il était actionnaire majoritaire, à hauteur de 99 %, la société Grisbi Limited, au titre de prestations informatiques. Estimant que les prestations en cause avaient été, en réalité, réalisées par M. A, qui avait exercé une activité de prestations informatiques de manière occulte, l'administration a procédé à une évaluation d'office des bénéfices non commerciaux réalisés par M. A, au titre des années 2012 à 2015 sur le fondement du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, et lui a adressé une proposition de rectification datée du 16 juillet 2018 lui notifiant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, qui ont été assorties de la majoration pour activité occulte, au titre des années 2013, 2014 et 2015. M. A relève appel du jugement du 1er mars 2022, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur la contestation du refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. A :

2. Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. () Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

3. Aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France. / III. La personne qui perçoit la rémunération des services est solidairement responsable, à hauteur de cette rémunération, des impositions dues par la personne qui les rend. " Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.

4. Les dispositions contestées ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, sous la réserve que " dans le cas où la personne domiciliée ou établie à l'étranger reverse en France au contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées par ce dernier, [ces dispositions ne conduisent pas] à que ce contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt ".

5. Seules sont applicables au litige les dispositions du I de l'article 155 A du code général des impôts sur lesquelles l'administration a fondé les impositions en litige.

6. M. A soutient que la question de la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés garantis par la Constitution devrait de nouveau être transmise au Conseil constitutionnel à raison de changements de circonstances. Il se prévaut de décisions du Conseil constitutionnel postérieures à la décision du 26 novembre 2010 mentionnée au point 4 et remettant en cause des présomptions irréfragables instaurées par le législateur afin d'établir une imposition dans le but de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, qui, selon lui, aurait conféré aux dispositions contestées une portée qu'elles n'avaient pas lorsque le Conseil constitutionnel en a été saisi. Toutefois, dès lors que les dispositions ainsi interprétées ainsi que l'interprétation exposée au point 3, issue de la décision n° 346642 du 20 mars 2013 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, permettent au contribuable d'apporter la preuve de la réalité de l'intervention de l'entité étrangère qu'il contrôle de nature à justifier la perception par celle-ci des rémunérations en cause et compte tenu de la réserve mentionnée au point 4 qui fait obstacle à une double imposition du contribuable en cas de reversement à son profit de tout ou partie des sommes versées à l'entité étrangère, aucun changement de circonstances ne justifie un nouvel examen de ces dispositions par le Conseil constitutionnel. En conséquence, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon, qui a statué en application de l'article R. 771-7 du code de justice administrative, a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité en débat.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. En premier lieu, pas plus en appel qu'en première instance, le requérant n'est fondé à soutenir que l'administration aurait mis en œuvre irrégulièrement une procédure d'abus de droit sans respecter les garanties de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors que l'administration s'est bornée à constater, comme elle était en droit de le faire en se fondant exclusivement sur les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, que M. A était le véritable prestataire des prestations facturées par la société Grisbi Limited à la société MGP SI, sans écarter aucun acte comme lui étant inopposable. De même, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait fondée sur le caractère fictif de la société Grisbi Limited, dont elle n'a pas remis en cause l'existence, alors même que dans sa réponse aux observations du contribuable, elle a pu la qualifier de " société écran ". A cet égard, est sans incidence le fait que l'administration ait maintenu la majoration pour activité occulte dont elle a assorti les redressements litigieux à raison de l'activité de prestations de services non déclarée par M. A.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions () ".

10. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification, adressée à M. A, le 16 juillet 2018, mentionne les impôts concernés et les années d'imposition, indique les montants, en bases et en droits, des rehaussements envisagés ainsi que le montant des pénalités, et après avoir rappelé l'application de la procédure d'évaluation d'office, détaille suffisamment les modalités de détermination du montant des bénéfices non commerciaux. Contrairement, à ce que soutient le requérant, cette proposition de rectification qui ne retient aucune dépense professionnelle, n'avait pas à détailler les modalités de détermination de telles dépenses. Par suite, le requérant n'est pas fondé à invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

11. En premier lieu, aux termes de 1'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. () ".

12. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

13. Compte tenu notamment de l'importance et de la récurrence des revenus en cause, l'exercice, à titre habituel, au sens du 7° de l'article R. 123-3 du code de commerce, d'une activité de consultant informatique exercée par M. A au cours des années en litige doit être regardé comme établi. Le requérant n'avait ni déclaré cette activité à un centre de formalité des entreprises, ni souscrit les déclarations fiscales au titre de cette activité. M. A n'invoquant et n'établissant à cet égard aucune erreur de sa part, le délai de reprise pouvait en conséquence s'exercer jusqu'à la fin de la dixième année qui suivait celle au titre de laquelle l'imposition était due, en application des dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les redressements en litige procèdent de la mise en œuvre des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts. Il s'ensuit que la proposition de rectification datée du 16 juillet 2018 a été notifiée à M. A dans le respect du délai de reprise. En conséquence, le moyen tiré de ce que les années 2013 et 2014 étaient prescrites en application des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. (). ".

15. Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.

16. L'administration fiscale apporte la preuve que des sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières en vertu des dispositions précitées par la production d'éléments attestant de ce que ces personnes ont réalisé les prestations de services en cause ou de ce qu'elles contrôlent la personne qui perçoit la rémunération de ces services. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation de ces prestations par la société établie hors de France aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte.

17. Pour imposer entre les mains de M. A, qui est domicilié en France, les sommes correspondant aux prestations facturées par la société Grisbi Limited, située en Irlande à la société française MGP SI, à raison de la réalisation de prestations de consultant informatique, l'administration s'est notamment fondée sur l'existence d'un contrat de prestations de services conclu entre ces deux sociétés et signé le 26 novembre 2012 par M. C, représentant de la société MGP SI et par M. A, sur la signature dans les mêmes conditions, de neuf avenants à ce contrat, sur des extraits du grand livre du fournisseur " Grisbi Limited ", de la société MGP SI, faisant apparaître le nom de M. A, ainsi que sur des compte-rendu d'activités et relevés de temps établis par la société MGP SI, faisant apparaitre le nom de M. A ainsi que le nombre de jours travaillés. L'administration a estimé que ces prestations facturées avaient été effectuées par M. A, actionnaire majoritaire, à hauteur de 99 %, de la société Grisbi Limited, qu'il avait créée, le l2 avril 2012, qui devait être regardé comme le véritable prestataire des opérations effectuées pour le compte de la société MGP SI et facturées à cette dernière par la société Grisbi Limited, située en Irlande, dont l'administration a également relevé qu'il constituait un pays à fiscalité privilégiée au sens de l'article 238 A du code général des impôts. Par la réunion de ces indices, l'administration doit être regardée comme établissant de manière suffisante que les prestations litigieuses rémunérées par la société MGP SI correspondent à un service rendu pour l'essentiel par M. A et que les recettes en résultant sont donc susceptibles d'être imposées entre ses mains en France. Pour combattre ces éléments, le requérant fait valoir que la société Grisbi Limited aurait eu recours à plusieurs prestataires qui seraient intervenus en tant que sous-traitants, au titre des années en litige. Toutefois, en se bornant à produire une attestation d'un chef de projet au sein de la société Vinci Energies indiquant que les missions réalisées par la société Grisbi Limited ne pouvaient être assurées par le seul travail de M. A, le requérant n'apporte pas d'élément suffisant permettant d'établir l'intervention propre de cette société dans la fourniture des prestations de services litigieuses. Compte tenu de ces éléments, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant apporté la preuve que les rémunérations versées par la société MGP SI à la société Grisbi Limited pouvaient être regardées comme entrant dans les prévisions de l'article 155 A du code général des impôts.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ".

19. M. A se prévaut de l'atteinte à sa liberté de s'établir dans un autre Etat membre qui résulterait des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts. Mais, les dispositions en question visent uniquement l'imposition des services essentiellement rendus par une personne établie ou domiciliée en France et ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée hors de France dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, en l'absence d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés par les rémunérations en litige comme rendus pour le compte de cette dernière personne, sa liberté de s'établir hors de France et de fournir à partir de cet Etat membre des prestations de service en France ne saurait être entravée du fait de ces dispositions. Par suite, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

20. En quatrième lieu, il ressort des dispositions de l'article 93 du code général des impôts que le bénéfice non commercial à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent de recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Toutefois, le requérant se borne à produire, comme en première instance des factures présentées soit au nom de la société Grisbi Limited, soit au nom de sociétés qu'il présente comme des sous-traitants de la société Grisbi Limited, des tickets de carburant ne faisant pas mention du client concerné, des tickets de restaurant, des pièces relatives à la location d'un appartement à Paris, des billets d'avion, des factures d'hôtel à l'étranger, des notes de taxi, des billets de train, des tickets RATP, des tickets de parking et des factures de la poste, dont les mentions ne permettent pas de regarder ces dépenses comme revêtant un caractère professionnel. Le requérant n'établit pas ainsi que l'activité occulte qu'il a exercée au cours des années en litige aurait engendré de quelconques frais spécifiques. C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'absence de prise en compte de telles dépenses.

21. En dernier lieu, M. A n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du BOI-BNC-BASE-40-60-40 n° 1 du 12 septembre 2012, du BOI-BNC-BASE-40-60-60 n° 230 du 21 février 2014, du BOI-BNC-BASE-40-60-30 n° 50, 60, 280 du 12 septembre 2012, du BOI-BNC-BASE-40-60-40-10 n° 60 du 12 septembre 2012, du BOI-BNC-BASE-40-60-60 n° 10 du 4 mars 2015, du BOI-BNC-BASE-40-60-40 n° 1 du 5 août 2015 qui ne donnent pas une interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application au point précédent.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

 

 

La rapporteure,

P. Dèche

L'assesseur le plus ancien,

H. Stillmunkes,

La greffière,

F. Prouteau

 

 

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

Pour expédition,

La greffière,

lc

Code publication

C