Irrecevabilité
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B A a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des prélèvements sociaux d'un montant de 3 850 euros acquittés à raison d'une plus-value réalisée lors de la cession d'un bien immobilier en France en 2018.
Par un jugement n° 2007056 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 août 2023, M. B A, représenté par Me Gaffodio, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de rejet de sa réclamation et de prononcer la décharge et la restitution de ces prélèvements sociaux avec les intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A soutient que :
- le tribunal a omis de répondre aux moyens invoqués en première instance et a commis des erreurs de droit ;
- l'assujettissement à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale des personnes fiscalement domiciliées hors de l'Union européenne porte atteinte au principe d'égalité devant l'impôt ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en écartant ce moyen comme relevant d'une question prioritaire de constitutionnalité irrecevable.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015 C-623/13 ;
- la convention entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, () par ordonnance, rejeter () après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".
2. A la suite de la cession, le 21 novembre 2018, d'un bien immobilier à Sallanches (Haute-Savoie) dont il détenait 14,07 % de la propriété, M. B A, domicilié aux Etats-Unis où il exerce la profession d'avocat, a acquitté, à raison de la plus-value réalisée, la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social, la contribution additionnelle à ce prélèvement et le prélèvement de solidarité, pour un montant total de 3 850 euros. M. A relève appel du jugement du 27 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces prélèvements sociaux avec les intérêts moratoires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. D'une part, le tribunal administratif, qui s'est prononcé sur l'ensemble des moyens invoqués dans le mémoire récapitulatif de M. A, n'a entaché le jugement attaqué d'aucune omission à statuer. D'autre part, égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit en écartant les moyens invoqués en première instance est inopérant.
Sur le bien-fondé des prélèvements sociaux :
4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1600-0 D du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les produits de placements est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale ". Le I bis de l'article L. 136-7 dispose que : " Sont également soumises à la contribution les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques ". Ces personnes sont également assujetties à une contribution pour le remboursement de la dette sociale en vertu de l'article 1600-0 H du code général des impôts, à un prélèvement social en application de l'article 1600-0 F bis du même code, applicable au présent litige, à une contribution additionnelle au prélèvement social en vertu de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, alors en vigueur, ainsi qu'à un prélèvement de solidarité en application de l'article 1600-0 S du code général des impôts, également applicable au présent litige. Aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts auquel renvoie l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale : " I. - 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis. () 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : a) Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B () ". Aux termes enfin de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : () e bis) Les plus-values mentionnées aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC, au 6 ter de l'article 39 duodecies et au f du 1° du II de l'article 239 nonies, lorsqu'elles sont relatives : 1° A des biens immobiliers situés en France ou à des droits relatifs à ces biens () ".
5. D'autre part, aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants ".
6. Il résulte de ces dernières dispositions que le règlement du 29 avril 2004 ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs États membres de l'Union européenne. Il résulte également de ces dispositions, qui s'inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne, que le règlement ne s'applique pas à des personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne, autre que les États membres de l'Espace économique européen ou la Suisse, États auxquels l'application du règlement a été étendue par voie d'accords internationaux, alors même que ces personnes auraient été, antérieurement à leur affiliation dans cet État tiers, affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État membre de l'Union européenne.
7. Il découle de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13, qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne autre que la France, d'un État membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse ne peut être soumise aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française qui entrent dans le champ du règlement du 29 avril 2004. En revanche, ce règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une personne affiliée à la sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne autre que la Suisse ou les États membres de l'Espace économique européen soit soumise à ces mêmes prélèvements.
8. Il est constant que M. A ne relevait ni du régime de sécurité sociale français ni n'était affilié à un régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne autre que la France, d'un État membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse. Les dispositions précitées de l'article 2 du règlement du 29 avril 2004 ne faisaient donc pas obstacle à l'application des prélèvements sociaux sur la plus-value en cause. Il n'est pas contesté non plus que M. A n'était pas fiscalement domicilié en France. C'est donc par une exacte application des dispositions citées au 4 ci-dessus que la plus-value constatée à l'occasion de la cession d'un bien immobilier situé en France a été soumise aux prélèvements sociaux. Dès lors que ces impositions ont été établies conformément à la loi fiscale, M. A ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la rupture du principe d'égalité des contribuables devant l'impôt à l'appui de ses conclusions en décharge.
9. En troisième lieu, si le requérant entend soutenir, comme en première instance, que l'assujettissement à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale d'une personne affiliée à la sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne autre que la Suisse ou les États membres de l'Espace économique européen serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des contribuables devant l'impôt, un tel moyen ne peut, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif dont le jugement attaqué est suffisamment motivé sur ce point, être soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative selon lequel " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ". Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen est irrecevable.
10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A est manifestement dépourvue de fondement. Dès lors, elle doit être rejetée, y compris en ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais liés à l'instance.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Fait à Lyon, le 14 mai 2024.
Le président de la 2ème chambre,
Dominique Pruvost
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
Code publication