Cour de cassation

Arrêt du 13 mai 2024 n° 24-40.002

13/05/2024

Non renvoi

COMM.

 

COUR DE CASSATION

 

FM

 

______________________

 

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

 

Audience publique du 13 mai 2024

 

NON-LIEU A RENVOI

 

M. VIGNEAU, président

 

Arrêt n° 356 F-D

 

Affaire n° B 24-40.002

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

 

_________________________

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

 

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 MAI 2024

 

Le tribunal de commerce de Perpignan a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 13 février 2024, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 19 février 2024, dans l'instance mettant en cause :

 

d'une part,

 

Mme [N] [F], domiciliée [Adresse 4],

 

d'autre part,

 

1°/ la société [W] et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

 

2°/ M. [G] [C], domicilié [Adresse 2], en qualité d'administrateur judiciaire de la société [W] et associés,

 

3°/ M. [E] [W], domicilié [Adresse 5],

 

4°/ Mme [Z] [S], domiciliée [Adresse 3],

 

5°/ Mme [L] [D], domiciliée [Adresse 1],

 

6°/ la société MJSA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], en qualité de liquidateur judiciaire, de la société [W] et associés,

 

Le dossier a été communiqué au procureur général.

 

Sur le rapport de Mme de Lacaussade, conseiller, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme de Lacaussade, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

 

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Faits et procédure

 

1. En 2019, Mme [F] a apporté son office notarial à une société par actions simplifiée dont elle est, en contrepartie, devenue associée.

 

2. En 2021, la société a été placée en redressement puis en liquidation judiciaires.

 

3. Absorbée dans le patrimoine commun, l'office notarial de Mme [F] a été cédé par le liquidateur.

 

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

 

4. Par jugement du 13 février 2024, le tribunal de commerce de Perpignan a transmis une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrée au greffe de la Cour de cassation le 19 février 2024, ainsi rédigée :

 

5. « La portée que confère aux articles 1832 et 1844-10 du code civil la jurisprudence constante de la Cour de cassation, visant à écarter la nullité pour défaut d'affectio societatis s'agissant des cessions de parts et actions, est-elle contraire aux droits et libertés que la constitution garantit et notamment au principe d'égalité devant la loi, dès lors que l'associé nouvel entrant se trouve placé dans une situation différente des associés originaires, et au droit à un recours juridictionnel effectif, dès lors que le recours formé par l'associé nouvel entrant dans la société, spolié de son apport en nature, s'il donne lieu à restitution dans le cadre d'une nullité entraînant remise des choses en l'état ne donne lieu qu'à l'octroi de dommages et intérêts aux termes de la jurisprudence suscitée. En sorte qu'en cas de liquidation judiciaire, les dits dommages et intérêts constituent une créance chirographaire, qui ne sera jamais réglée en regard de l'insuffisance d'actif habituelle entraînant, de fait, une ineffectivité du recours formé ? »

 

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

 

6. Les dispositions légales critiquées, qui sous-tendent la jurisprudence contestée, sont applicables au litige, en ce qu'il est demandé la nullité d'une société par action simplifiée pour défaut d'affectio societatis, à l'occasion d'une opération d'apport en nature réalisée au cours de la vie sociale.

 

7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

8. Cependant, d'une part, la question posée ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

9. D'autre part, la question posée manque du fondement qui lui sert de base, tant au regard du principe d'égalité devant la loi que du droit à un recours juridictionnel effectif, en ce que la jurisprudence constante de la Cour de cassation à laquelle elle se réfère concerne les cessions de droits sociaux auxquelles ne sauraient être assimilées les opérations d'apport en nature réalisées au cours de la vie sociale, et qu'il n'existe pas de jurisprudence établie de la Cour de cassation concernant les effets du défaut d'affectio societis lors d'une opération d'apport en nature réalisée au cours de la vie sociale, sur la validité de l'acte pas plus que sur la validité de la société.

 

10. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt-quatre.

Code publication

n

Références doctrinales

  • « Apport en nature et défaut d'affectio societatis : rejet d'une QPC » Dom, Jean-Philippe. Revue des sociétés, octobre 2024, n° 10, p. 564