Renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 4 février 2022, M. B A, représenté par Me Flamant, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel la présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Vendée et le ministre de l'intérieur lui ont infligé la sanction disciplinaire de la rétrogradation au grade de capitaine des sapeurs-pompiers ;
2°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Vendée et du ministre de l'intérieur la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire distinct, enregistré le 29 novembre 2023, M. A, demande au tribunal, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 19 alinéa 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vigueur à la date de la décision attaquée, reprises à l'article L.532-4 du code général de la fonction publique issu de l'ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021.
Il soutient que :
- l'article L.532-4 du code général de la fonction publique est applicable au litige ;
- il n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution ;
- il n'est pas conforme aux principes du droit à la présomption d'innocence et à celui des droits de la défense en ce que le droit au silence ne lui a pas été notifié lors de la procédure disciplinaire alors que les déclarations recueillies sont susceptibles d'être utilisées directement ou indirectement à son encontre.
Le demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au service départemental d'incendie et de secours de la Vendée, au ministre de la transformation et de la fonction publique et au ministre de l'intérieur qui n'ont pas produit d'observations.
La clôture de l'instruction a été fixée le 27 décembre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code général de la fonction publique ;
- la décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Diniz, rapporteure publique,
- les observations de Me Gardiennet, substituant Me Flamant ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".
2. L'article 19 alinéa 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose que : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. " Aux termes du nouvel article L.532-4 du code général de la fonction publique issu de l'ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021 : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. /L'administration doit l'informer de son droit à communication du dossier. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à l'assistance de défenseurs de son choix. "
3. Les dispositions précitées sont applicables au litige soumis au tribunal par M. A, dès lors que celui-ci demande au tribunal d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel la présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Vendée et le ministre de l'intérieur ont prononcé la sanction disciplinaire de la rétrogradation au grade de capitaine des sapeurs-pompiers, pris en application de ces dispositions.
4. Les dispositions précitées n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
5. Le moyen soulevé tiré de ce que les dispositions précitées, méconnaissent les principes constitutionnels du droit à la présomption d'innocence et à celui des droits de la défenses, garantis par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et tels que jugés par la décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 du Conseil constitutionnel, n'est pas dépourvu de caractère sérieux, eu égard notamment à la circonstance que la notification du droit au silence lors de la procédure disciplinaire n'est pas prévue par ces dispositions.
6. Il y a lieu, dès lors, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution l'article 19 alinéa 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires repris à l'article L.532-4 du code général de la fonction publique est transmise au Conseil d'Etat.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B A, à la présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Vendée, ministre de la transformation et de la fonction publique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Giraud, président,
Mme Beyls, conseillère,
M. Huet, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
Le président-rapporteur,
T. GIRAUD
L'assesseure la plus ancienne,
M. BEYLSLe greffier,
G. VIEL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,1
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