Renvoi
Tribunal judiciaire d’Alençon
POLE SOCIAL
Contentieux Général de la Sécurité Sociale et de l’aide sociale
Greffe : POLE SOCIAL du Tribunal Judiciaire Site Wilson - 22 Avenue Wilson - CS 40312 - 61009 Alençon Cedex
N° RG 24/00043 - N° Portalis DBZX-W-B7I-CRU4
Objet du recours : Contestation de mise en demeure de la somme de 107 759 €
CRA du 18/09/2023
ORDONNANCE DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE DU 29 MARS 2024
DEMANDEUR :
Société HOPITAL [...] dont le siège social est sis [Adresse 1]
Représenté par Me Yves CLAISSE, avocat au barreau de PARIS
Substitué par Me Antoine MARCHAND, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
URSSAF 93 ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
Rep. : Madame [L M], munie d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Tiphaine ROUSSEL, Présidente du Pôle social du Tribunal judiciaire d’Alençon.
Faisant fonction de Greffière lors des débats et de la mise à disposition : Mme [N O]
DÉBATS :
L’affaire a été plaidée le 29 mars 2024, et mise en délibéré au 29 Mars 2024.
JUGEMENT :
Ordonnance non susceptible de recours mis à disposition au greffe,
DATE DE LA NOTIFICATION :
***
Vu l’article 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;
En application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
En application de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.
Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis.
En l’espèce, L’HOPITAL [...], dans son mémoire distinct aux fins de question prioritaire de constitutionnalité, prétend que l’article 8222-2 alinéa 1er du code du travail porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce que les dispositions de ce texte permettent de mettre à la charge d’une personne publique des cotisations et majorations dues par un ou plusieurs de ses cocontractants.
En réplique, l’URSSAF ILE-DE-FRANCE, dans son mémoire en réponse, soutient que la question posée n’est pas sérieuse au sens de la loi organique. A ce titre, l’organisme social fait valoir que le principe de la solidarité financière d’une part ne peut être assimilé à une libéralité consentie par une personne morale de droit public et d’autre part ne porte pas atteinte à la continuité du service public.
La présente affaire a été communiquée au ministère public le 19 mars 2024, qui a fait connaître son avis le 20 mars 2024. Le ministère public s’en rapporte.
L’affaire a été appelée et plaidée à l’audience du 29 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le moyen tiré de l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par l’article 8222-2 alinéa 1er du code du travail
Sur la recevabilité du moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution:
En l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 18 mars 2024 dans un écrit distinct des conclusions de L’HOPITAL [...], et motivé.
Il est donc recevable.
Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:
L’article 23-2 de l’ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies:
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
En l’espèce, la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, puisqu’elle est relative à l’application du dispositif de solidarité financière à l’encontre des personnes publiques.
Par ailleurs, l’article 8222-2 alinéa 1er du code du travail n’a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
En outre, la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux, en ce qu’il importe :
- D’une part de déterminer si le dispositif de solidarité financière, en ce qu’il s’applique notamment aux personnes publiques, respecte ou non les exigences de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et en particulier le principe d’égalité devant les charges publiques.
- D’autre part, de déterminer si le mécanisme de solidarité financière est susceptible ou non de porter atteinte aux intérêts des personnes publiques à tel point que la continuité du service public dont elles ont la charge pourrait s’en trouver menacer.
Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question suivante :
« Les dispositions du premier alinéa de l’article 8222-2 du code du travail portent-elles atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution – et notamment au principe d’égalité devant les charges publiques, et son corollaire l’interdiction, pour les personnes publiques, de consentir des libéralités – en tant qu’elles permettent de mettre à la charge d’une personne publique des cotisations et majorations dues par un ou plusieurs de ses cocontractants » ?
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe de la juridiction, rendue contradictoirement et insusceptible de recours indépendamment du jugement sur le fond,
ORDONNONS la transmission à la Cour de cassation de la question suivante: « Les dispositions du premier alinéa de l’article 8222-2 du code du travail portent-elles atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution – et notamment au principe d’égalité devant les charges publiques, et son corollaire l’interdiction, pour les personnes publiques, de consentir des libéralités – en tant qu’elles permettent de mettre à la charge d’une personne publique des cotisations et majorations dues par un ou plusieurs de ses cocontractants » ?
DISONS que la présente ordonnance sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire ;
DISONS que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision;
DISONS que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état du 27 septembre 2024 à 9H00.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT DE LA FORMATION DE JUGEMENT