Tribunal judiciaire de Rouen

Jugement du 21 décembre 2023

21/12/2023

Renvoi

Cour d'Appel de Rouen

Tribunal judiciaire de Rouen

4EME CHAMBRE CORRECTIONNELLE COLLEGIALE

Jugement prononcé le : 21/12/2023

N° minute : 2326/23

N° parquet : 22115000130

Plaidé le 18/12/2023

Délibéré le 21/12/2023

 

JUGEMENT DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

A l'audience publique du Tribunal Correctionnel de Rouen le DIX HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT-TROIS,

Composé de :

Présidente : Madame ABBOUDI Nour, juge,

Assesseurs : Madame HOUZET Brigitte, juge,

Madame HOOGHE Lucie, juge,

Assistées de Madame DEBUIRE Jeanne, greffière,

et en présence de Madame HELBERT Aude, procureur de la République adjoint,

a été appelée l’affaire

ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, demandeur et poursuivant,

ET

Prévenu

Nom : [A B]

de [A C] et de [E F]

Nationalité : […]

Situation familiale : marié

Situation professionnelle : […]

Antécédents judiciaires : jamais condamné(e)

Demeurant : [Adresse 1] [LOCALITE 1]

Situation pénale : libre

non comparant, représenté avec mandat par Maître GHRENASSIA César avocat au barreau de Paris,

Prévenu des chefs de :

NON RESPECT D'UNE MESURE INTERNATIONALE DE RESTRICTION DES RELATIONS ECONOMIQUES ET FINANCIERES AVEC L'ETRANGER faits commis du 23 février 2022 au 26 février 2022 à [LOCALITE 2]

NON RESPECT D'UNE MESURE INTERNATIONALE DE RESTRICTION DES RELATIONS ECONOMIQUES ET FINANCIERES AVEC L'ETRANGER faits commis le 27 février 2022 à [LOCALITE 3]

PARTIE JOINTE :

Monsieur le Ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et Monsieur le Ministre délégué chargé des comptes publics, Ministre chargé des douanes représentés par ;

La Directrice Générale des Douanes et des Droits Indirects

Adresse : 11 rue des Deux-Communes 93100 MONTREUIL (FRANCE)

non comparante représentée par Maître LITAUDON Claire, avocat au barreau de Paris,

 

DEBATS

A l’appel de la cause, la présidente, a constaté l'absence de [A B] et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

Des conclusions ont été déposées par le prévenu et la direction générale des Douanes et des Droits indirects et dûment visées par la présidente et le greffe ;

Avant toute défense au fond, une question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée par Monsieur [A B], par l'intermédiaire de son conseil et a été entendu en sa plaidoirie ;

La direction générale des Douanes et des Droits Indirects a été entendue sur ses conclusions en réponses ;

Le ministère public a été entendu en ses observation ;

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l'issue des débats, la présidente a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé à l'audience du 21 décembre 2023.

A cette date, le tribunal ayant délibéré conformément à la loi, le jugement suivant a été rendu par ABBOUDI Nour, présidente, assistée de BALIER Chloé, greffière en présence du ministère public, en application des dispositions des articles 462 et 485 alinéa 3 du code de procédure pénale.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a statué en ces termes :

Une convocation à l'audience du 13 avril 2023 a été notifiée à [A B] le 30 juin 2022 par un agent des douanes habilité sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d'un avocat. Conformément à l'article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

A l'audience du 13 avril 2023 l'affaire a été renvoyée contradictoirement, à la demande des parties, à l'audience du 18 décembre 2023.

[A B] n'a pas comparu mais est régulièrement représenté par son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement a son égard ;

Il est poursuivi :

– d'avoir à [LOCALITE 2], du 23 février 2022 au 26 février 2022, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, contrevenu ou tenté de contrevenir aux mesures de restrictions des relations économiques et financières prévues par la réglementation communautaire prise en application des articles 75 et 125 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou par les traités et accords internationaux régulièrement approuvés et ratifiés par la France, […]. 

Faits prévus et réprimés par les articles 459, 459§1, 459§1bis,§2,§4,§5, 451, 451 bis, 432-bis, 433-bis du code des douanes, règlement d’exécution (UE) 2022/260 du Conseil en date du 23 février 2022, règlement (UE) 269/2014 en date du 17 mars 2014 (NATINF23134)

– d'avoir à [LOCALITE 3], le 27 février 2022, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, contrevenu ou tenté de contrevenir aux mesures de restrictions des relations économiques et financières prévues par la règlementation communautaire prise en l'application des articles 75 ou 125 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou par les traités et accords internationaux régulièrement approuvés et ratifié par la France, […]. 

Faits prévus et réprimés par les articles 459, 459§1, 459§1bis,§2,§4,§5, 451, 451 bis, 432-bis, 433-bis du code des douanes, règlement d’exécution (UE) 2022/260 du Conseil en date du 23 février 2022, règlement (UE) 269/2014 en date du 17 mars 2014 (NATINF23134)

 

SUR LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE :

Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles R. 49-21 et suivants du code de procédure pénale ;

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité reçues au greffe, par un écrit distinct et motivé, le 07 décembre 2023 par le conseil de [A B] ;

Vu les conclusions en réponse sur une question prioritaire de constitutionnalité de la direction générale des Douanes et des Droits Indirects ;

Vu les conclusions de [A B], en réponse à l'administration des douanes reçues au greffe le 18 décembre 2023 ;

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :

En l'espèce le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de Cassation :

Conformément à l’article 23-2 de l’ordonnance précité, la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas dépourvue de caractère sérieux. Il ressort également de la procédure que la disposition contestée constitue le fondement des poursuites et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

Il y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation les questions suivantes :

1) L’article 459, 1bis, du code des douanes, est-il conforme aux articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et en particulier au principe de légalité des délits et des peines, ainsi qu’à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité, en ce qu’il se borne à renvoyer à la règlementation communautaire ou aux traités et accords internationaux sans définir avec la clarté et la précision requises par la Constitution, l’élément matériel constitutif de l’infraction, en l’espèce, les mesures de restriction des relations économiques et financières ? ;

2) L’article 459 du code des douanes est-il conforme aux articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et en particulier au principe de légalité criminelle, en ce que le législateur, en méconnaissance de sa compétence exclusive en matière répressive, n’a pas prévu les garanties propres à assurer, de manière effective, la protection de la propriété privée, la liberté de circulation des biens et des hommes, l’égalité des citoyens devant la loi et les droits de la personne poursuivie ou sanctionnée ? ;

3) L’article 459 du code des douanes et en particulier les §1, 1bis et 5 de ce texte, est-il conforme aux articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et en particulier au principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines en ce que d’une part, les peines principales prévues par ces textes excèdent le régime applicable en matière de contravention sans, néanmoins, de prévision relative à l’élément moral de l’infraction et en ce que d’autre part, les peines accessoires prévues au §4 et 5 de ce texte apparaissent automatiques ?

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal considère qu’il convient de sursoir à statuer et d’ordonner le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure.

 

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et par décision non susceptible de recours ;

Déclare la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité recevable en la forme ;

Relève le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité ;

Constate que cette question prioritaire de constitutionnalité constitue le fondement des poursuites et qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

En conséquence,

Dit qu'il y a lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation ;

Dit que la décision de transmettre la question est adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé ;

Dit que les parties et le ministère public sont avisés par tout moyen de cette décision ;

Sursoit à statuer sur les poursuites engagées à l'encontre de [A B] ;

Renvoie l'affaire à l'audience du tribunal correctionnel de Rouen du 09 septembre 2024 à 13h15

et le présent jugement ayant été signé par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

[…]