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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, M. B A, représenté par la SELARL Cabinet d'avocat Olivia Camarrieu Cherfils, Société ALH, demande au tribunal :
1°) de prononcer la décharge, subsidiairement la réduction, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2016 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les sommes imposées entre ses mains dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au regard des montants mentionnés par l'enquête judiciaire dont il a fait l'objet sont disproportionnées ;
- il a contesté, tout au long de la procédure judiciaire, les montants des sommes qu'il a détournées ;
- l'administration ne démontre pas la réalité de la perception de ces sommes ;
- le jugement du tribunal judiciaire du Havre du 16 septembre 2020 n'a mis à sa charge exclusive qu'une somme de 291 612 euros ;
- une transaction conclue avec son employeur a arrêté les sommes détournées à des montants bien inférieurs à ceux retenus par l'administration ;
- l'application de la majoration de 1,25 prévue par le 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts n'est pas justifiée dès lors qu'il ne pouvait matériellement pas adhérer à un centre de gestion agréé pour une activité illicite ;
- en tout état de cause, cette majoration ne trouve pas à s'appliquer aux prélèvement sociaux ;
- il convient d'admettre en déduction des sommes réintégrées à son revenu imposable au titre de l'année 2016, en vertu de l'article 202 du code général des impôts, les dépenses, en particulier les charges liées au remboursement de son ancien employeur, engagées du fait des actes illicites ayant engendré les sommes en litige ;
- l'ensemble des sanctions, majorations et intérêts de retard dont il a fait l'objet et qui ont été mis à sa charge, auxquels vient s'ajouter la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte, présente un caractère confiscatoire et crée une rupture d'égalité devant les charges publiques ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2022, la directrice de contrôle fiscal Nord conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.
Vu :
- l'ordonnance du 25 avril 2023 fixant la clôture de l'instruction au 9 mai 2023 à 12h;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Vaillant, conseiller,
- et les conclusions de Mme Barray, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A était, au cours des années 2010 à 2016, salarié de la société Heuzé Immobilier, en qualité de gestionnaire de copropriétés. Il a été condamné par le tribunal correctionnel du Havre, par un jugement du 19 mars 2018, pour des faits d'abus de confiance, de blanchiment aggravé de faux et usage de faux. L'enquête préliminaire effectuée dans le cadre de cette procédure judiciaire a révélé que M. A avait, au cours des années 2010 à 2016, détourné des fonds des copropriétés gérées par la société Heuzé Immobilier, par l'émission de virements à son propre profit ou au profit de tiers chargés ensuite de lui restituer les sommes, ainsi que par la prise en charge de travaux pour son compte ou pour le compte de proches. Cette enquête préliminaire évaluait les sommes détournées à 683 091 euros, dont 656 844 euros s'agissant des virements bancaires et 26 247 euros s'agissant des travaux. Le 28 juin 2018 l'administration fiscale a pris connaissance des éléments de cette procédure en vertu des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales. En application des dispositions du 2° de l'article L. 73 du même livre, l'administration a évalué d'office les recettes tirées par M. A de cette activité occulte, qu'elle a, en vertu des dispositions notamment de l'article 92 du code général des impôts, réintégré à son revenu imposable au titre des années 2010 à 2016, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Les redressements correspondants en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, mis à la charge de M. A selon la procédure de taxation d'office et assortis notamment de la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte, lui ont été notifiés par courrier du 5 septembre 2018. Sa réclamation préalable adressée le 31 décembre 2021 ayant été rejetée le 17 février 2022, M. A demande au tribunal de prononcer la décharge, ou à tout le moins la réduction, de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices () de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. () "
3. Afin de réintégrer au revenu imposable de M. A des années 2010 à 2016 les profits assimilés aux bénéfices non commerciaux issus du détournement des fonds de plusieurs copropriétés dont il assurait la gestion et afin d'en établir le montant, l'administration fiscale s'est déterminée, d'une part, au regard du jugement du tribunal correctionnel du Havre du 19 mars 2018, qui a condamné l'intéressé à raison de ces faits et, d'autre part, des conclusions de l'enquête préliminaire effectuée à l'occasion de cette procédure judiciaire, laquelle avait arrêté les sommes détournées à un total de 683 091 euros. L'administration a ainsi réintégré, en rattachant les virements et opérations frauduleux aux années au cours desquelles ils avaient été réalisés, un total de 683 081 euros.
4. En premier lieu, d'une part, si M. A soutient qu'il a toujours contesté, au cours de l'enquête, les montants qu'il lui était reproché d'avoir détournés, il résulte des comptes rendus de cette enquête qu'il s'est borné à émettre des doutes, tout en déclarant être incapable d'estimer ce montant et en admettant en particulier que, si celui-ci lui paraissait " monumental " au moment de l'enquête, eu égard à sa fréquentation régulière de casinos au cours de ces années, " dans la période de jeux dans laquelle [il était] les choses ont pu aller vite ". D'autre part, en se déterminant au regard de ces éléments, l'administration a suffisamment démontré l'existence des détournements de fonds dont M. A s'est rendu coupable et il ne saurait être exigé, ainsi que le soutient le requérant, qui supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge, qu'elle démontre la réalité de l'appréhension de l'ensemble de ces sommes. Enfin, si le requérant se prévaut du montant inférieur qui aurait été " mis à sa charge " par un jugement du tribunal judiciaire du Havre du 16 septembre 2020, ainsi que de la détermination d'un montant encore inférieur fixé par la voie transactionnelle avec son ancien employeur, il ne produit, en tout état de cause, pas ces documents.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 202 du code général des impôts : " 1. Dans le cas de cessation de l'exercice d'une profession non commerciale, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices provenant de l'exercice de cette profession y compris ceux qui proviennent de créances acquises et non encore recouvrées et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. "
6. D'une part, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer, contrairement à ce que soutient le requérant, en cas de cessation d'une activité licite ayant servi de support à une activité, distincte, de détournement de fonds. D'autre part, en tout état de cause, M. A n'apporte aucun élément de nature à établir la somme qu'il aurait été finalement tenu de rembourser à son ancien employeur, ni même que cette créance aurait été fixée dans son principe et son montant dès l'année 2016.
7. En dernier lieu, en application du 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, la majoration de 1,25 du montant des revenus retenus pour le calcul de l'impôt s'applique aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents ou qui ne font pas appel aux services d'un centre de gestion, d'une association ou de l'une des personnes mentionnées aux a), b) et c) du 1° du 7 de cet article, dans les conditions prévues par ces dispositions. La circonstance, invoquée par M. A, qu'il n'était pas en mesure d'adhérer à un centre gestion ou à une association agréée, ou de recourir aux services d'un expert-comptable, dans le cadre de son activité occulte et illicite de détournement de fonds, est sans incidence sur l'application de ces dispositions.
Sur les pénalités :
8. D'une part, à supposer que M. A ait entendu, par le moyen qu'il invoque au soutien de sa demande tendant à la décharge des pénalités afférentes au redressement litigieux, se prévaloir de la méconnaissance, par les textes législatifs qui constituent le fondement de ces pénalités, du principe à valeur constitutionnelle d'égalité devant l'impôt, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives. D'autre part, à supposer même que le requérant ait entendu, par ce moyen, se prévaloir de l'inconstitutionnalité de l'application, à sa situation, de ces dispositions législatives, un tel moyen tend en réalité à mettre en cause la constitutionnalité de la loi et doit être écarté pour les mêmes motifs.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander la décharge, ni la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la directrice de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Minne, président,
Mme Jeanmougin, première conseillère,
M. Le Vaillant, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé :
A. LE VAILLANT
Le président,
Signé :
P. MINNELe greffier,
Signé :
N. BOULAY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de la relance et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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