Non renvoi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A B a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 janvier 2020 par laquelle le service des retraites de l'Etat lui a concédé une rente viagère d'invalidité en tant qu'elle fixe la date d'effet de celle-ci au 11 septembre 2018.
Par un jugement n° 1925185 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 18 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2023, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droit et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B, major de police, a été admis à la retraite à compter du 1er janvier 2012. Par un arrêté du 23 septembre 2019, le service des retraites de l'Etat lui a concédé une rente viagère d'invalidité à compter du 20 novembre 2018. M. B a formé un recours gracieux tendant à ce que la date d'effet de sa rente soit fixée au 18 octobre 2016. Par une décision du 22 janvier 2020, le service des retraites de l'Etat n'a que partiellement fait droit à cette demande en fixant cette date au 11 septembre 2018. M. B se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2020.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article ". Et aux termes du premier alinéa de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies à l'article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services ".
4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction alors applicable : " Le droit à cette rente est également ouvert au fonctionnaire retraité qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article L. 31. Dans ce cas, la jouissance de la rente prend effet à la date du dépôt de la demande de l'intéressé, sans pouvoir être antérieure à la date de publication de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il en est également ainsi lorsque l'entrée en jouissance de la pension est différée en application de l'article L. 25 du présent code ".
5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi () doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.
6. En vertu des dispositions contestées du deuxième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraites, le fonctionnaire retraité, dont la maladie professionnelle a été reconnue imputable au service postérieurement à sa radiation des cadres, ne jouit de la rente viagère d'activité qu'à compter de la date de dépôt de sa demande d'attribution de cette rente et non, contrairement au fonctionnaire radié des cadres sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraites et dont la maladie professionnelle a été auparavant reconnue imputable au service, à la date de cette radiation. S'il en résulte une différence de traitement, celle-ci est justifiée par une différence objective de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.
7. En deuxième lieu, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, () se trouve dans l'incapacité de travailler à le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ". En fixant la date de jouissance de la rente viagère d'activité, pour les fonctionnaires retraités, à la date de dépôt de la demande d'attribution de cette rente, le législateur n'a pas méconnu les exigences découlant de ces dispositions.
8. Il suit de là que la question de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur l'autre moyen :
9. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
10. Pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. B soutient, en outre, que le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant qu'un fonctionnaire retraité ne peut bénéficier d'une rente viagère qu'à compter de la demande tendant au bénéfice d'une telle rente, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires que cette rente doit être versée à compter de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie professionnelle.
11. Ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.
Article 2 : Le pourvoi de M. B n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A B, à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.
Code publication