Conseil constitutionnel

Décision n° 2023-1042 QPC du 31 mars 2023

31/03/2023

Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 janvier 2023 par le Conseil d’État (décision n° 466225 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour le syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1042 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit :

– du paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts ;

– de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code, dans sa rédaction résultant de la même ordonnance ;

– des mots « et ceux habilités à les constater, sans les rechercher, » figurant au paragraphe II de l’article L. 161-8 du même code, dans la même rédaction ;

– des mots « et les agents de l’Office national des forêts habilités à constater, sans les rechercher, des infractions » figurant à l’article L. 161-10 du même code, dans la même rédaction ;

– des mots « et au II » figurant au premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code, dans la même rédaction ;

– de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code, dans la même rédaction ;

– du 2° de l’article L. 222-6 du même code, dans la même rédaction ;

– des mots « ou au II » figurant à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code, dans la même rédaction ;

– des mots « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, » figurant au 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, au 3° de l’article L. 231-5 du même code, au 2° de ses articles L. 341-20 et L. 362-5, au 2° du paragraphe I de son article L. 415-1, au 2° de son article L. 428-20, au 2° du paragraphe I de son article L. 437-1 et au 6° de son article L. 541-44, dans la même rédaction ;

– de la seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, dans la même rédaction.

Au vu des textes suivants :

– la Constitution ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

– le code de l’environnement ;

– le code forestier ;

– le code de la santé publique ;

– la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique ;

– l’ordonnance n° 2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts, prise sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 79 de la loi du 7 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, dont le délai est expiré ;

– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

– les observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le 13 février 2023 ;

– les observations présentées pour l’Office national des forêts, partie au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Mes Rémi-Pierre Drai et Didier Girard, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 15 février 2023 ;

– les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ;

– les secondes observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le 2 mars 2023 ;

– les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Olivier Coudray, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le syndicat requérant, Me Girard, pour l’Office national des forêts, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 21 mars 2023 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Le paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 1er juin 2022 mentionnée ci-dessus, prévoit :

« Sont habilités à constater, sans les rechercher, les infractions forestières, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts, commissionnés à raison de leurs compétences en matière forestière et assermentés à cet effet.

« Ces agents peuvent constater d’autres infractions, dans les conditions prévues par les dispositions législatives les désignant à cet effet. Lorsqu’ils sont investis par le code de l’environnement de missions de constatation d’infractions, ils interviennent dans les conditions définies à l’article L. 172-7, au premier alinéa de l’article L. 172-8, au deuxième alinéa de l’article L. 172-10, aux articles L. 172-12 à L. 172-14 et à l’article L. 174-2 de ce code »

2. La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code, dans la même rédaction, prévoit :

« Les agents mentionnés au II de l’article L. 161-4 peuvent constater, sans les rechercher, ces infractions dans tous les bois et forêts, quel que soit leur régime de propriété »

3. Le paragraphe II de l’article L. 161-8 du même code, dans la même rédaction, prévoit que, dans les bois et forêts relevant du régime forestier ou gérés contractuellement par l’Office national des forêts, exercent leurs compétences dans les mêmes conditions que les agents de l’État les agents de cet établissement habilités à rechercher et constater des infractions :

« et ceux habilités à les constater, sans les rechercher, »

4. L’article L. 161-10 du même code, dans la même rédaction, prévoit que sont assermentés, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, différentes catégories d’agents habilités à rechercher et constater des infractions :

« et les agents de l’Office national des forêts habilités à constater, sans les rechercher, des infractions »

5. Le premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code, dans la même rédaction, prévoit que l’original du procès-verbal dressé pour constater des infractions forestières est transmis, dans les cinq jours ouvrés à dater de sa clôture, par les agents mentionnés aux 1° et 2° du paragraphe I de l’article L. 161-4 de ce code :

« et au II »

6. La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code, dans la même rédaction, prévoit :

« Les agents mentionnés au II de l’article L. 161-4 peuvent constater, sans les rechercher, les infractions forestières dans tous les bois et forêts »

7. Le 2° de l’article L. 222-6 du même code, dans la même rédaction, prévoit que l’Office national des forêts emploie :

« Des agents contractuels de droit privé, régis par le code du travail, pour la réalisation de l’ensemble de ses missions, sous réserve des dispositions du II de l’article L. 161-4 du présent code »

8. Le premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code, dans la même rédaction, prévoit que, lorsqu’un agent habilité constate par procès-verbal un défrichement réalisé en infraction aux dispositions de son livre III, ce procès-verbal peut ordonner l’interruption des travaux et la consignation des matériaux et du matériel de chantier. Cette disposition s’applique aux agents désignés aux 1° et 2° du paragraphe I de l’article L. 161-4 :

« ou au II »

9. Selon le 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions des chapitres Ier à VII du titre Ier du livre II de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

10. Selon le 3° de l’article L. 231-5 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre III du livre II de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

11. Selon le 2° de l’article L. 341-20 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre IV du livre III de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

12. Selon le 2° de l’article L. 362-5 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater notamment les infractions aux dispositions du titre VI du livre III de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

13. Selon le 2° du paragraphe I de l’article L. 415-1 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre Ier du livre IV de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

14. Selon le 2° de l’article L. 428-20 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre II du livre IV de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

15. Selon le 2° du paragraphe I de l’article L. 437-1 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre III du livre IV de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

16. Selon le 6° de l’article L. 541-44 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier :

« et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, »

17. La seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, dans la même rédaction, prévoit :

« Toutefois, les agents mentionnés au II de l’article L. 161-4 du code forestier, ne peuvent que constater ces infractions »

18. Le syndicat requérant reproche aux dispositions renvoyées de l’article L. 222-6 du code forestier de permettre à l’Office national des forêts d’employer des agents contractuels de droit privé en vue notamment de l’accomplissement de ses missions de police administrative. Ce faisant, elles auraient pour effet de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative, en méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

19. Il soutient par ailleurs que, en confiant à ces mêmes agents contractuels de droit privé le pouvoir de constater un grand nombre d’infractions, les autres dispositions renvoyées méconnaîtraient l’article 66 de la Constitution dont il résulte que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.

20. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions suivantes :– le paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier ;

– la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code ;

– les mots « et au II » figurant au premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code ;

– la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code ;

– le 2° de l’article L. 222-6 du même code ;

– les mots « ou au II » figurant à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code ;

– les mots « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, » figurant au 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, au 3° de l’article L. 231-5 du même code, au 2° de ses articles L. 341-20 et L. 362-5, au 2° du paragraphe I de son article L. 415-1, au 2° de son article L. 428-20, au 2° du paragraphe I de son article L. 437-1 et au 6° de son article L. 541-44 ;

– la seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique.

 

– Sur le 2° de l’article L. 222-6 du code forestier :

21. Selon l’article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits.

22. L’article L. 222-6 du code forestier énumère les différentes catégories de personnel employées par l’Office national des forêts. À ce titre, les dispositions contestées de cet article prévoient que peuvent être recrutés des agents contractuels de droit privé, régis par le code du travail, pour la réalisation de l’ensemble de ses missions, y compris de police administrative.

23. Il résulte de l’article L. 221-1 du même code que l’Office national des forêts, établissement public national placé sous la tutelle de l’État, est une personne morale de droit public. En prévoyant que cet établissement public peut employer des agents contractuels de droit privé accomplissant pour son compte des missions de police administrative, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale.

24. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences résultant de l’article 12 de la Déclaration de 1789 ne peut donc qu’être écarté.

25. Par conséquent, le 2° de l’article L. 222-6 du code forestier, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.

– Sur les autres dispositions contestées :

26. Aux termes de l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Il en résulte que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.

. En ce qui concerne les pouvoirs confiés aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts en matière d’infractions forestières :

27. L’article L. 161-4 du code forestier habilite certaines catégories d’agents à rechercher et constater les infractions forestières. Les dispositions contestées du premier alinéa de son paragraphe II donnent compétence aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts pour constater ces infractions.

28. En application des dispositions contestées de l’article L. 161-7 du même code, ces agents peuvent procéder au constat des infractions forestières dans tous les bois et forêts, quel que soit leur régime de propriété. Les dispositions contestées de l’article L. 174-9 du même code rendent ces dispositions applicables à La Réunion.

29. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 161-12 du même code, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts transmettent les procès-verbaux d’infractions qu’ils établissent au représentant du ministère public.

30. Les dispositions contestées de l’article L. 363-4 du même code prévoient que, lorsque ces agents constatent par procès-verbal un défrichement réalisé en infraction aux dispositions du livre III du code forestier, ils peuvent ordonner l’interruption des travaux et la consignation des matériaux et du matériel de chantier.

31. D’une part, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont uniquement habilités à constater, sans les rechercher, les délits et contraventions prévus par le code forestier et, dans le cas où ils constatent un défrichement illicite, à ordonner des mesures conservatoires.

32. D’autre part, les agents contractuels de droit privé, qui doivent être commissionnés et assermentés pour procéder à ces constatations, sont tenus de transmettre, dans les cinq jours, l’original des procès-verbaux qu’ils dressent au procureur de la République ou au directeur régional de l’administration chargée des forêts, selon que l’infraction est constitutive d’un délit ou d’une contravention, et simultanément la copie de ces procès-verbaux à l’autorité qui n’est pas destinataire de l’original. Lorsqu’ils constatent un défrichement illicite pour lequel ils ordonnent une mesure conservatoire, la copie du procès-verbal est transmise sans délai au ministère public.

33. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l’article 66 de la Constitution.

. En ce qui concerne les pouvoirs confiés aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts en matière d’infractions au code de l’environnement et au code de la santé publique :

34. En application des dispositions contestées de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont compétents pour constater les infractions prévues au titre de la police des eaux potables et des eaux minérales naturelles.

35. Les dispositions contestées des articles L. 216-3, L. 231-5, L. 341-20, L. 362-5, L. 415-1, L. 428-20, L. 437-1 et L. 541-44 du code de l’environnement donnent compétence aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts pour constater les infractions prévues au titre des polices spéciales de l’eau, des milieux physiques, des sites naturels inscrits et classés, d’accès aux espaces naturels, de protection du patrimoine naturel, de la chasse, de la pêche en eau douce et de traitement des déchets. À cette fin, les dispositions contestées du second alinéa du paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier prévoient que ces agents peuvent retenir l’auteur de l’infraction en cas de refus ou d’impossibilité de justifier de son identité, recueillir les déclarations de toute personne, requérir directement la force publique, procéder à la saisie des objets ayant notamment servi à la commission de l’infraction ou qui en sont le produit, procéder ou faire procéder à la destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables ou au placement des animaux et végétaux viables saisis, prélever ou faire prélever des échantillons placés sous scellés en vue d’analyse ou d’essai, ou encore procéder à des communications d’informations et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions.

36. En premier lieu, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont uniquement habilités à constater, sans les rechercher, certaines infractions prévues par le code de l’environnement et le code de la santé publique.

37. En second lieu, d’une part, il résulte des articles L. 172-16 du code de l’environnement et L. 1324-2 du code de la santé publique que ces agents, qui doivent être commissionnés et assermentés pour procéder à ces constatations, sont tenus de transmettre au procureur de la République les procès-verbaux qu’ils dressent dans les cinq jours qui suivent leur clôture.

38. D’autre part, si, lorsqu’ils sont investis par le code de l’environnement d’une mission de constatation de certaines infractions, ces agents disposent des pouvoirs particuliers prévus au paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, ils ne peuvent les exercer que pour les besoins de cette mission et sous le contrôle, selon les cas, d’un officier de police judiciaire ou du procureur de la République. En particulier, ils ne peuvent retenir l’auteur d’une infraction que pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire et doivent obtenir l’autorisation du procureur de la République pour pouvoir procéder au placement des animaux et végétaux viables saisis.

39. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, ces dispositions ne méconnaissent pas l’article 66 de la Constitution.

40. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

 

Article 1er. – Sont conformes à la Constitution :

 

– le paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts ;

 

– la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code, dans la même rédaction ;

– les mots « et au II » figurant au premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code, dans la même rédaction ;

– la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code, dans la même rédaction ;

– le 2° de l’article L. 222-6 du même code, dans la même rédaction ;

– les mots « ou au II » figurant à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code, dans la même rédaction ;

– les mots « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, » figurant au 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, au 3° de l’article L. 231-5 du même code, au 2° de ses articles L. 341-20 et L. 362-5, au 2° du paragraphe I de son article L. 415-1, au 2° de son article L. 428-20, au 2° du paragraphe I de son article L. 437-1 et au 6° de son article L. 541-44, dans la même rédaction ;

– la seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, dans la même rédaction.

 

Article 2. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.

 

Rendu public le 31 mars 2023.

 

Abstracts

4.2.2.7

Force publique nécessaire à la garantie des droits

L’article L. 222-6 du code forestier énumère les différentes catégories de personnel employées par l’Office national des forêts. À ce titre, les dispositions contestées de cet article prévoient que peuvent être recrutés des agents contractuels de droit privé, régis par le code du travail, pour la réalisation de l’ensemble de ses missions, y compris de police administrative. Il résulte de l’article L. 221-1 du même code que l’Office national des forêts, établissement public national placé sous la tutelle de l’État, est une personne morale de droit public. En prévoyant que cet établissement public peut employer des agents contractuels de droit privé accomplissant pour son compte des missions de police administrative, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences résultant de l’article 12 de la Déclaration de 1789 ne peut donc qu’être écarté.

2023-1042 QPC, 31 mars 2023, paragr. 22 23 24

4.18.3.3

Contrôle de la police judiciaire

Le Conseil constitutionnel a été saisi de plusieurs dispositions relatives aux pouvoirs confiés aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts en matière d’infractions forestières et d'infractions au code de l’environnement et au code de la santé publique. S'agissant des pouvoirs confiés à ces agents en matière d'infractions forestières, l’article L. 161-4 du code forestier habilite certaines catégories d’agents à rechercher et constater les infractions forestières. Les dispositions contestées du premier alinéa de son paragraphe II donnent compétence aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts pour constater ces infractions. En application des dispositions contestées de l’article L. 161-7 du même code, ces agents peuvent procéder au constat des infractions forestières dans tous les bois et forêts, quel que soit leur régime de propriété. Les dispositions contestées de l’article L. 174-9 du même code rendent ces dispositions applicables à La Réunion. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 161-12 du même code, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts transmettent les procès-verbaux d’infractions qu’ils établissent au représentant du ministère public. Les dispositions contestées de l’article L. 363-4 du même code prévoient que, lorsque ces agents constatent par procès-verbal un défrichement réalisé en infraction aux dispositions du livre III du code forestier, ils peuvent ordonner l’interruption des travaux et la consignation des matériaux et du matériel de chantier. D’une part, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont uniquement habilités à constater, sans les rechercher, les délits et contraventions prévus par le code forestier et, dans le cas où ils constatent un défrichement illicite, à ordonner des mesures conservatoires. D’autre part, les agents contractuels de droit privé, qui doivent être commissionnés et assermentés pour procéder à ces constatations, sont tenus de transmettre, dans les cinq jours, l’original des procès-verbaux qu’ils dressent au procureur de la République ou au directeur régional de l’administration chargée des forêts, selon que l’infraction est constitutive d’un délit ou d’une contravention, et simultanément la copie de ces procès-verbaux à l’autorité qui n’est pas destinataire de l’original. Lorsqu’ils constatent un défrichement illicite pour lequel ils ordonnent une mesure conservatoire, la copie du procès-verbal est transmise sans délai au ministère public. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l’article 66 de la Constitution. S'agissant des pouvoirs confiés aux agents contractuels de droit privé de l'Office national des forêts en matière d'infractions au code de l'environnement et au code de la santé publique, en application des dispositions contestées de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont compétents pour constater les infractions prévues au titre de la police des eaux potables et des eaux minérales naturelles. Les dispositions contestées des articles L. 216-3, L. 231-5, L. 341-20, L. 362-5, L. 415-1, L. 428-20, L. 437-1 et L. 541-44 du code de l’environnement donnent compétence aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts pour constater les infractions prévues au titre des polices spéciales de l’eau, des milieux physiques, des sites naturels inscrits et classés, d’accès aux espaces naturels, de protection du patrimoine naturel, de la chasse, de la pêche en eau douce et de traitement des déchets. À cette fin, les dispositions contestées du second alinéa du paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier prévoient que ces agents peuvent retenir l’auteur de l’infraction en cas de refus ou d’impossibilité de justifier de son identité, recueillir les déclarations de toute personne, requérir directement la force publique, procéder à la saisie des objets ayant notamment servi à la commission de l’infraction ou qui en sont le produit, procéder ou faire procéder à la destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables ou au placement des animaux et végétaux viables saisis, prélever ou faire prélever des échantillons placés sous scellés en vue d’analyse ou d’essai, ou encore procéder à des communications d’informations et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs mission. En premier lieu, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont uniquement habilités à constater, sans les rechercher, certaines infractions prévues par le code de l’environnement et le code de la santé publique. En second lieu, d’une part, il résulte des articles L. 172-16 du code de l’environnement et L. 1324-2 du code de la santé publique que ces agents, qui doivent être commissionnés et assermentés pour procéder à ces constatations, sont tenus de transmettre au procureur de la République les procès-verbaux qu’ils dressent dans les cinq jours qui suivent leur clôture. D’autre part, si, lorsqu’ils sont investis par le code de l’environnement d’une mission de constatation de certaines infractions, ces agents disposent des pouvoirs particuliers prévus au paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, ils ne peuvent les exercer que pour les besoins de cette mission et sous le contrôle, selon les cas, d’un officier de police judiciaire ou du procureur de la République. En particulier, ils ne peuvent retenir l’auteur d’une infraction que pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire et doivent obtenir l’autorisation du procureur de la République pour pouvoir procéder au placement des animaux et végétaux viables saisis. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, ces dispositions ne méconnaissent pas l’article 66 de la Constitution.

2023-1042 QPC, 31 mars 2023, paragr. 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39

11.6.2.1.2

Caractère législatif des dispositions

Le Conseil constitutionnel se reconnaît implicitement compétent pour connaître des dispositions de l’ordonnance n° 2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts, prise sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 79 de la loi du 7 décembre 2020, no ratifiée mais dont le délai est expiré.

2023-1042 QPC, 31 mars 2023, visas

11.6.3.5.1

Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que les dispositions renvoyées.

2023-1042 QPC, 31 mars 2023, paragr. 20