Conseil de Prud'hommes de Paris

Jugement du 10 mars 2023 n° F 22/08839

10/03/2023

Non renvoi

CONSEIL DE PRUD'HOMMES

DE PARIS

SERVICE DU DÉPARTAGE

27, rue Louis Blanc

75484 PARIS CEDEX 10

Tél : 01.40.38.52.39

CLR

SECTION

Commerce chambre 1

N° RG F 22/08839 – N° Portalis 352I-X-B7G-JNXJI

N° de minute : D/BJ/2023/299

[…]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

__________

J U G E M E N T

DE REFUS DE TRANSMISSION D’UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

contradictoire et susceptible de recours qu’à l’occasion d’un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige alinéa 3 de l’article 126-7 du Code de procédure civile

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 mars 2023 en présence de Madame Christelle LEROY, Greffier

 

Composition de la formation lors des débats :

Monsieur Simon BLANCHET, Président Juge départiteur

assistée de Madame Christelle LEROY, Greffier

 

ENTRE

Mme [A B]

[Adresse 1]

[LOCALITE 2]

Représentée par Me Khalifa ADJAS E1433 (Avocat au barreau de PARIS)

DEMANDEUR

ET

Société SDC [X]

REP PAR SYNDIC CABINET EUGÈNE GAURIAU & FILS

18 RUE GUSTAVE COURBET

75116 PARIS

Représenté par Me Jacques ADAM D781 (Avocat au barreau de PARIS)

DÉFENDEUR

 

PROCÉDURE

- Saisine du Conseil : 24 novembre 2022.

- Mode de saisine : conclusions adressées au greffe par courrier en date du 24 novembre 2022.

- Avis du ministère public adressé le 05 décembre 2022.

- Avis de dépôt adressé aux parties le 02 février 2023.

- Débats à l'audience de départage du 16 février 2023 à l'issue de laquelle les parties ont été avisées de la date et des modalités du prononcé.

 

EXPOSE DU LITIGE

[A B] a été embauchée le 17 juin 1996 en contrat à durée indéterminée à temps complet au poste de gardienne d’immeuble.

Par courrier du 6 mars 2020, le syndicat des copropriétaires [X] a notifié à [A B] son licenciement pour suppression de poste.

Contestant le bien-fondé de cette mesure de licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Paris des demandes rappelées ci-dessus.

Le 24 novembre 2022, par un écrit distinct, elle a fait valoir une question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que l’article L. 1233-1 du code du travail relatif aux licenciements économiques, qui n’est applicable qu’aux entreprises et exclut les syndicats de copropriétaires, contreviendrait aux dispositions de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen relatives à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle en instituant une différence de traitement voire une discrimination entre les salariés exerçant dans un établissement à caractère public ou privé.

Le ministère public, sollicité le 5 décembre 2022, a donné une réponse le 2 février 2023.

En réponse, le syndicat des copropriétaires [X] a conclu au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité aux motifs que cette question avait déjà été tranchée par un arrêt de la Cour de cassation du 13 juillet 2016 et que le conseil constitutionnel avait déjà déclaré conforme à la constitution l’article L. 1235-5 du code du travail. 

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer aux écritures des parties pour plus ample rappel de leurs demandes et moyens.

 

DISCUSSION

Sur la violation des dispositions de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen relatives à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle par l’article L. 1233-1 du code du travail

En application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 portant réforme du Conseil constitutionnel, la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat où à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.

En l’espèce, en premier lieu, la disposition contestée est applicable au litige.

En deuxième lieu, il apparaît que cette disposition a déjà été transmise à la Cour de cassation qui, par un arrêt du 13 juillet 2016 (n° 16-40.209), a jugé que « les dispositions de l'article L. 1233-1 du code du travail, dont l'objet se borne à définir les employeurs auxquels sont applicables les dispositions relatives au licenciement économique, et celles de l'article L. 1233-4-1 dont l'objet est de garantir l'effectivité du droit au reclassement du salarié, lequel découle de l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté pour partie hors du territoire national, ne heurtent aucun des principes constitutionnels invoqués ».

La requérante soutient qu’il y a eu un changement de circonstances du fait de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 novembre 2018 (n°17-12.613, 17-12.599, 17- 12.600, 17-12.601).

Cet arrêt dispose que « dès lors que le syndicat de copropriétaires est chargé d'administrer une résidence de personnes âgées qui dispose d'un service médical et n'assure pas seulement l'administration et la conservation de l'immeuble commun en vertu de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de copropriété, les licenciements des infirmières affectées au service médical relèvent des dispositions des articles L. 1233-1 et suivants du code du travail concernant les licenciements pour motif économique ».

En l’espèce, la requérante ne vient pas soutenir qu’elle aurait, en vertu de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de copropriété, une activité dépassant la seule administration et conservation de l'immeuble sis [Adresse 2].

Dès lors, cette arrêt du 21 novembre 2018 ne constitue pas un changement de circonstances.

En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, les dispositions contestées ayant déjà été transmises à la Cour de cassation, il n'y a pas lieu de lui transmettre la question prioritaire de constitutionnalité.

 

PAR CES MOTIFS

Le Conseil, présidé par le juge départiteur statuant seul en l’absence de tout conseiller, publiquement, par jugement contradictoire et susceptible de recours uniquement à l’occasion d’un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige en application des dispositions de l’article 126-7 du Code de procédure civile, rendu par mise à disposition au greffe :

Rejette la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ordonne le renvoi de l'affaire à l'audience du 9 juin 2023 ;

Dit que la notification de la décision vaut convocation ;

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Réserve les dépens ;

 

LE GREFFIER                                                            LE PRÉSIDENT,

CHARGÉ DE LA MISE A DISPOSITION

Christelle LEROY                                                     Simon BLANCHET